Delphine Desroches

Delphine Desroches : la com responsable, c’est aussi promouvoir des initiatives positives

Après 15 années d’expérience comme éducatrice de jeunes enfants, Delphine a décidé de changer de voie, convaincue que la communication responsable lui permettra de faire le lien entre ses valeurs personnelles et ses aspirations professionnelles. Elle a accepté de nous parler de son parcours, de ses premières expériences et de ses projets. Bienvenue dans ce nouvel épisode du cycle de témoignages « La #comresponsable en action ».

Extraits : « Je souhaite m’orienter dans ce secteur pour plusieurs raisons : participer à l’évolution de la société, en donnant à voir les changements sociaux qui s’opèrent et en orientant le comportement du public vers un changement sociétal ; mettre en œuvre mes valeurs de transparence et d’authenticité ; pouvoir mettre en application mon intérêt pour une communication de proximité et la co-construction. » « S’engager pour une communication responsable est une fierté pour moi. La cohérence est un concept très important pour moi, mais c’est parfois frustrant de voir que cela demande parfois plus d’efforts, de contraintes pour atteindre son but. » « On note une certaine défiance, parfois (souvent) à juste titre envers les discours des organisations dans leur communication. Il faut maintenant redonner ses lettres de noblesse aux pratiques communicationnelles qui peuvent être vertueuses et source d’évolutions sociétales. » « Le chemin est encore long, mais à force d’en parler, de coopérer, de réfléchir ensemble, nous avancerons sur cette nouvelle voie. »

 

Delphine Desroches : « la com responsable, c’est aussi promouvoir des initiatives positives »

Bonjour Delphine. En quelques lignes, pouvez-vous décrire votre parcours et la fonction que vous occupez actuellement ?  

Bonjour Mathieu, et tout d’abord merci pour ce partage. Mon parcours n’est pas très linéaire, mais ce qui en fait, je crois, sa richesse.

Depuis l’adolescence, j’ai orienté mes études pour devenir éducatrice de jeunes enfants. Ce métier s’exerce principalement en crèche, où, en parallèle du personnel plus paramédical, l’éducatrice axe sa pratique sur la pédagogie, l’éveil, l’observation, les projets éducatifs, etc. Cela a éveillé en moi un intérêt pour le développement de l’enfant et de l’individu, la bienveillance. Je me suis rendue compte que j’avais à cœur de transmettre aux enfants certaines valeurs de vivre-ensemble et de respect de l’Autre (et par extension de l’environnement).

Après 15 ans de pratique, j’ai ressenti le besoin d’agir plus largement. Je me suis alors réorientée vers le secteur de la communication, où j’espérais notamment pouvoir mettre en valeur les actions des travailleurs sociaux et le service au public, souvent méconnus.

Au cours de ma formation de DUT Communication des Organisations (suivie en année spéciale), j’ai été amenée à chercher encore plus loin le sens de mes choix et de mes actions. C’est là que j’ai vraiment fait le lien entre mes valeurs personnelles et mes aspirations professionnelles. Je voulais transmettre au public, comme je l’avais fait auparavant, une autre vision du Vivre ensemble, responsable et durable. Cette formation m’a permis de développer des compétences stratégiques sur les différents axes de la communication, ainsi que des compétences techniques. Cette polyvalence me permet de mettre en œuvre une vision globale de la communication, au service des valeurs que je souhaite transmettre.

Diplômée en septembre dernier, dans le contexte que l’on connait actuellement, je recherche maintenant un emploi, tout en participant bénévolement à la rédaction d’articles pour le blog d’une association solidaire.

À quel moment avez-vous « basculé » dans une approche plus responsable de votre métier ? Savez-vous ce qui a provoqué votre prise de conscience ?

J’ai toujours été sensible à ce qui est juste, logique et équitable. Je n’ai jamais aimé l’égocentrisme et le non-respect de l’intérêt commun. J’ai toujours rêvé d’un vivre ensemble où chacun est libre, libre de faire, d’être, de penser ce qu’il veut ; et où chacun laisse l’autre libre également. Je rêve également d’un monde où chacun, à son échelle, prend soin de notre planète et de nos ressources.

Je suis peut-être idéaliste, mais je crois fermement qu’il y a un avenir possible pour construire un meilleur vivre ensemble, et que les petits pas de chacun peuvent nous faire avancer tous ensemble. C’est pourquoi je souhaite mettre ma future carrière de communicante au profit de la sensibilisation des citoyens au Développement durable, et à toute action ou innovation sociale qui émerge peu à peu.

Comme cela peut peut-être se sentir dans mes propos, ce sont là des sujets qui me passionnent. Et je les mets en lien avec cette force que peut avoir le chargé de communication pour devenir acteur du changement social. En effet, en usant de la communication sociale et de l’innovation sociale, le chargé de communication créera une communication responsable car, ce sont des pratiques plus humbles, pas dans la démesure puisqu’elles prônent une relation de proximité; et favorise la co-construction. Ainsi, au plus proche des attentes du public, la communication sera, si j’ose dire, plus efficace et il n’y aura donc pas lieu de démultiplier les actions, donc l’impact environnemental et social.

Concrètement, comment se traduit votre engagement dans votre activité au quotidien ? Avez-vous le sentiment de faire un métier différent d’avant/des autres ?

Fraichement diplômée, je suis encore à la recherche d’un poste. Mais j’ai une idée du secteur d’activité pour lequel je compte travailler. Je souhaite m’orienter vers le secteur du Développement durable pour plusieurs raisons :

  • Participer à l’évolution de la société, en donnant à voir les changements sociaux qui s’opèrent, les nouvelles initiatives, et en orientant le comportement du public vers un changement sociétal. Transmettre, partager, guider sont des principes importants pour moi, que je souhaite mettre à profit dans cette discipline.
  • Mettre en œuvre mes valeurs de transparence et d’authenticité. La communication pour le développement durable se doit d’être cohérente, mettant en adéquation le message et la façon de le diffuser.
  • Pouvoir mettre en application mon intérêt pour une communication de proximité et la co-construction, le développement durable ayant pour fondement la concertation et la participation citoyenne.
  • Mettre en application l’exemplarité environnementale, sociale et partenariale ; valeurs qui sous-tendent à une activité responsable, et qui sont également les miennes.
  • Pouvoir mettre mes compétences au service d’une organisation dont je pourrais porter fièrement les valeurs, l’identité.

Pour cela, je souhaite intégrer une organisation relevant des secteurs suivants : environnement, économie sociale et solidaire, économie circulaire, social, humanitaire.

Ce fut déjà le cas pour le choix de mon terrain de stage. Grâce à une candidature spontanée ciblée, j’ai eu la chance d’intégrer l’Association Cistude Nature qui travaille à la fois sur des programmes scientifiques, de la sensibilisation des publics et de la médiation autour de la biodiversité et de sa préservation. Pour moi, la communication responsable, c’est aussi la promotion d’initiatives positives qui vont dans le sens d’une gestion durable (responsable) de notre planète.

Parallèlement, mon engagement pour une communication responsable devra se traduire par une pratique d’éco-communication. Je tenterai de porter une attention constante au choix de mes canaux de communication, de mes supports et de mes méthodes de travail. On parle de plus en plus de sobriété numérique face à l’explosion de la pollution due à l’usage croissant des nouvelles technologies. Celles -ci ont un intérêt indéniable pour l’accès à l’information, le partage et la réduction des supports papiers, la meilleure gestion de ressource… Cependant, on sait maintenant que tout le matériel nécessaire à ces pratiques  (équipement informatique, serveur, électricité ) a un coût environnemental et que l’invisibilité du phénomène du fait de la dématérialisation et la miniaturisation provoque un effet « rebond » des usages qui annule l’impact positif.

Il est donc pour moi nécessaire de toujours avoir une vision globale de la stratégie de communication et de réfléchir sur chaque point à l’impact environnemental.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ? Y a-t-il des idées reçues contre lesquelles vous devez lutter ?

S’engager pour une communication responsable est une fierté pour moi. Mais il faut être réaliste. Une pratique raisonnée de la communication nécessite de la créativité. Mais en même temps, ça limite aussi les possibles. Par exemple, pour mon stage j’avais pour mission de promouvoir la future exposition sur l’évolution de la biodiversité en Nouvelle-Aquitaine en lien avec les changements climatiques, créée par une association environnementale. C’était très gratifiant de travailler à ce projet. Je me suis cependant heurtée à certaines limites notamment en termes de matériaux, pour rester cohérente entre mes supports de communication et le sujet de cette exposition.

La cohérence est un concept très important pour moi, mais c’est parfois frustrant de voir que cela demande parfois plus d’efforts, de contraintes pour atteindre son but.

De plus, la communication responsable n’est pas une notion encore très répandue même si ça évolue. Pour certains dirigeants par exemple, cela est plus synonyme de coûts (matériels) que de gains (en termes de notoriété, mais aussi de durabilité pour l’humanité…mais ça, tout le monde ne l’entend pas)

Parallèlement, pour le public, cet engagement pour une communication plus humaine, raisonnable, transparente, est illusoire. Pour certains, par définition la communication a pour seule finalité le gain mercantile. On note une certaine défiance, parfois (souvent) à juste titre envers les discours des organisations dans leur communication.

Il faut maintenant redonner ses lettres de noblesse aux pratiques communicationnelles qui peuvent être vertueuses et source d’évolutions sociétales

À l’opposé, quelles sont les satisfactions que vous trouvez dans votre activité ? Où puisez-vous votre énergie ? Est-ce que vous aimez votre travail/activité et pourquoi ?

Je ne peux pas encore vraiment parler de ma pratique, mais pour moi je resterai engagée tant que les messages que je diffuse auront du sens pour moi. À partir du moment où je n’aurais pas le sentiment de porter un message qui me parait utile je n’aurai pas la même implication, la même créativité. Communiquer sur une initiative durable, valoriser des porteurs de projets est source de gratification, et ça me donne l’impression de porter ma pierre à l’édifice.

Parallèlement, être moi-même force de proposition ou d’inspiration par ma pratique sera un enrichissement supplémentaire.

Pouvez-vous nous présenter un ou deux projets/réalisations dont vous êtes particulièrement fière ?

Lors de ma formation, j’ai particulièrement apprécié de travailler sur la communication et l’innovation sociale. C’est pour moi un atout majeur pour s’engager vers une communication responsable.

Il s’agissait de concevoir pour le programme de recherche FABCOM (Bordeaux) un espace collaboratif d’expression citoyenne dans le cadre de leur Forum citoyen sur le thème des communs communicationnels et des pratiques éditoriales et citoyennes innovantes.

Cet atelier fut pour moi d’un double intérêt, au regard de mes aspirations professionnelles : pour le sujet (les Communs, l’expression citoyenne, les pratiques innovantes) et pour la méthode employée de Démarche Design. Cette technique est centrée sur l’usager, pour proposer des idées cohérentes et pertinentes pour celui-ci.

J’ai donc imaginé un projet sur la connaissance et l’appropriation par les usagers des contenus et supports de l’expression citoyenne elle-même. Ma problématique étant la méconnaissance et/ou l’éloignement géographique des citoyens vis-à-vis des différents évènements et moyens de s’exprimer, j’ai voulu proposer un espace itinérant dans les communes excentrées de Bordeaux Métropole, informatif et collaboratif permettant aux usagers de mieux comprendre et d’investir les supports à leur disposition. L’idée était également d’offrir un accompagnement voire un « déclic » pour lancer leurs propres projets de Communs (Tiers-lieux, espace de communication, projets collaboratifs, etc.).

Ainsi, à proximité d’un lieu de vie public, un bus serait installé et des animateurs proposeraient des activités diverses pour s’approprier collectivement différents supports de communication : création de modèle de flyer expliquant l’ expression citoyenne, création collaborative d’un journal, participation au théâtre forum, espace convivial d’échange informel. Les usagers pourraient ensuite eux-mêmes être prescripteurs de l’expression citoyenne auprès de leur entourage local.

J’ai ainsi tenté de répondre à plusieurs axes de la communication responsable : l’authenticité, l’intégration des parties prenantes (cibles et partenaires), la promotion d’une certaine vision de la société, la proximité et les supports favorisant l’échange, une communication sobre car ciblée et raisonnée. Ce projet, en apparence très simple, remet le lien au cœur de la communication.

Pour terminer, avez-vous un conseil à donner ou une idée force à transmettre aux lecteurs de ce blog ?

Pour rédiger mon mémoire, j’ai eu l’occasion de lire de nombreux ouvrages pour comprendre les problématiques environnementales et sociétales, de me documenter sur les différentes initiatives autour de la transition vers une communication responsable. Cela m’a ouvert beaucoup de possibles, et m’a permis de découvrir des nombreuses personnes engagées, passionnées, volontaires. Et c’est en grande partie ce qui m’a convaincue qu’une nouvelle voie était en cours de construction et pas seulement dans mes rêves.

Comme dit le dicton « Ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières ». Il ne faut pas se dire, qu’à notre échelle rien n’est possible, car si chacun agit à sa mesure, cela aura forcément un impact sur d’autres, inspirera de nouvelles pratiques. Le chemin est encore long, mais à force d’en parler, de coopérer, de réfléchir ensemble, nous avancerons sur cette nouvelle voie.

 

Pour suivre l’actualité de Delphine, rendez-vous sur son profil LinkedIn.

 

La #comresponsable en action

Dans le contexte actuel de remise en question de la filière communication, le cycle d’entretiens « La #comresponsable en action » valorise les professionnelles et les professionnels qui s’engagent dans des pratiques plus responsables. Chez l’annonceur, en agence ou freelance, dans le privé, le public ou le secteur non-marchand, avec une certaine expérience ou un regard neuf… toute la diversité de la filière communication est représentée. Quel a été leur parcours ? Quelles sont les difficultés rencontrées et les sources de satisfaction ? Quels sont les projets dont elles ou ils sont particulièrement fières et fiers ?

Retrouvez sur cette page la liste de tous les témoignages.

 


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