Les voici, les écoïstes !

Les bobos à vélo sont dépassés. Voici les « écoïstes » qui roulent en… BMW. Ils vivent « plus consciemment », consomment « de manière plus réfléchie », pensent à la fois à leur propre intérêt et à celui des autres, utilisent leur cerveau (sic)… La marque l’avoue, cette belle campagne vise à donner bonne conscience aux possesseurs d’une BMW. Qu’elle soit électrique ou non d’ailleurs. Superbe exemple de greenwashing !

Il y a quelques jours, j’étais sollicité par la Fédération romande des consommateurs (FRC) pour donner mon avis d’expert sur la nouvelle campagne « écoïste » de BMW pour son modèle électrique i3, en Suisse. C’est un cas très intéressant.

Les voici, les écoïstes !

Nous voici, les écoïstes !
Nous sommes des écoïstes. Vous vous demandez sans doute: « Pardon, des quoi ? » Nous répondons: « Des écoïstes. » Nous pensons à la fois à notre propre intérêt et à celui des autres. Pour avancer, plutôt que de jouer des coudes, nous utilisons notre cerveau. Grâce à la mise en réseau, nous nous déplaçons plus vite, pensons tous azimuts, vivons plus consciemment et consommons de manière plus réfléchie. Il ne s’agit ni de renonciation ni d’autoflagellation: ce sont la joie de vivre, le plaisir, le style et la santé qui nous importent. Le nouveau luxe est de faire un choix conscient plutôt que de tout avoir.

Capture du site web de la campagne « écoïste » de BMW
Capture du site web de la campagne « écoïste » de BMW

Mon analyse de la campagne BMW « Écoïste »

Écoïsme : une provocation

Ce qui me frappe avant tout dans cette campagne, c’est le néologisme « écoïste ». Les valeurs associées au préfixe « éco » sont celles de la protection de l’environnement et plus généralement du développement durable. C’est-à-dire le respect, l’ouverture d’esprit, la prise en compte des impacts d’un comportement, de la fabrication et de l’usage d’un produit sur l’environnement, la société, les générations futures…

Bref, autant de valeurs que ne partage pas un égoïste qui, par définition, ne pense qu’à lui, ne se préoccupe que de son propre intérêt. Associer égoïsme et responsabilité/durabilité ne fonctionne pas. C’est une provocation de la part de la marque.

Changer l’image du véhicule électrique

Si on fait abstraction de ce terme, le lien qui est fait avec le monde du design, du style est plutôt pertinent. Il s’agit de changer l’image du véhicule électrique, de faire en sorte qu’il devienne un objet « tendance », de montrer qu’il est à la pointe de la technologie.

Ainsi, la vidéo nous présente le véhicule comme une robe de haute couture, avec de nombreux détails, souvent « branchés » : l’application smartphone, les écrans à bord, les molettes de navigation, les boiseries et les cuirs, les chromes…

Les personnages sont parfaits et semblent avoir une vie de rêve. La ville elle-même dans la laquelle circule le véhicule est lisse, propre, lumineuse… une vision caricaturale de la vi(ll)e de demain.

La voiture électrique : un produit dans l’air du temps ?

La stratégie de « branded content » visant à donner la parole à des designers, photographes, fans… est dans l’air du temps. Les textes valorisant le véhicule ou l’usine de production sont mélangés à d’autres contenus sur des meubles haut de gamme, la mode, l’éco-design… La voiture BMW3i rentre de fait dans la famille des produits de luxe et de bon goût.

Les arguments classique du « zéro pollution »

Par ailleurs, BMW utilise de manière classique les arguments du « zéro émission » et « sans pollution » (comme d’autres constructeurs par le passé). Mais la marque va plus loin en abordant explicitement la question des impacts liés à la fabrication des véhicules (utilisation d’énergie éolienne et hydraulique pour l’usine, réduction de la consommation d’eau et d’énergie pour le process, recyclabilité des matériaux utilisés…). C’est plutôt une bonne chose, même s’il manque des précisions sur ces différents engagements.

Et la question des matériaux rares et dangereux utilisés, notamment dans la batterie, n’est pas évoquée en détail. On nous dit simplement que la batterie « peut devenir une unité de stockage pour installations solaires » mais ce n’est qu’un souhait. Que fait la marque pour qu’il se réalise. Et est-ce réaliste ?

La voiture électrique n’est pas LA solution aux enjeux de mobilité

Ensuite, la marque abuse clairement en affirmant que ce véhicule promeut une « nouvelle culture de mobilité ». La mobilité qui est présentée sur le site et dans la vidéo est la même qu’avec les véhicules thermiques classiques : un véhicule qui permet de transporter jusqu’à quatre personnes dans tous les moments clefs de la vie quotidienne (déposer les enfants à l’école, se déplacer dans le cadre de son travail, aller faire la fête…).

Alors que la mobilité urbaine durable est forcément multimodale (utilisation de plusieurs modes de transports successifs ou en fonction des déplacements) et collective (bus, métro… mais aussi vélos et voitures partagés), BMW présente sa voiture électrique comme l’unique solution aux enjeux de mobilité. Elle trompe donc les consommateurs.

Une tentative de verdissement de la marque

Pour terminer, j’ai le sentiment que l’investissement conséquent de BMW pour développer et valoriser ce véhicule a surtout pour objectif le verdissement de la marque elle-même, qui est de plus en plus pointée du doigt pour la production de berlines gourmandes en carburant et son lobbying pour freiner la réglementation (cf. ici ou ).

Malgré toutes les campagnes de communication, en Europe et ailleurs, les ventes de véhicules électriques ne décollent pas (cf. cette chronique), la faute au décalage entre les modèles proposés (autonomie notamment), les infrastructures existantes (bornes de recharge) et la maturité du public (freins psychologiques sur l’autonomie notamment).

Avec ce modèle conçu comme un concept-car, à la pointe de la technologie propre, la marque fait croire qu’elle a intégré les enjeux environnementaux et sociaux de la mobilité dans sa stratégie globale. « C’est beau. Et ça donne bonne conscience. » peut-on lire sur le site. L’objectif est bien de donner bonne conscience à l’ensemble des possesseurs d’une BMW, même les modèles les plus polluants (et ils sont nombreux).

Bref, « écoïste » est une nouvelle campagne de greenwashing

En conclusion, malgré de réels efforts sur le plan de la conception et fabrication du véhicule et certains arguments pertinents, cette campagne abuse de l’argument écologique (écoïste, nouvelle culture de la mobilité, la bonne conscience) pour verdir l’image de la marque et de l’ensemble de sa gamme. Bref, encore un cas de greenwashing !

Quelques images de la campagne « Écoïste »

Capture du site web de la campagne « écoïste » de BMW
Capture du site web de la campagne « écoïste » de BMW
Capture du site web de la campagne « écoïste » de BMW
Capture du site web de la campagne « écoïste » de BMW
Capture du site web de la campagne « écoïste » de BMW
Capture du site web de la campagne « écoïste » de BMW


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