Marketer et communiquer les nouveaux business models

Le jeudi 14 novembre à Paris, Sircome organisait avec Agrion une conférence sur le thème du marketing et de la communication des nouveaux business models. Économie de la fonctionnalité, travail collaboratif, multi-modalité, crowdfunding, crowdsourcing, économie circulaire : des concepts émergents, issus de nouveaux modes de consommation et de travail, sont en train de s’imposer sur le marché.

Les acteurs qui les portent peuvent être soit issus d’initiatives d’open-innovation, soit des acteurs innovants sur leur secteur. Poil à gratter, stimulateur ou perturbateur du marché : comment ces nouveaux business models trouvent-ils leur public ? Quelles sont leurs stratégies pour gagner des parts de marché face aux modèles existants ? Comment passer d’une population d’early adopters au mass market ? Ces nouveaux arrivants adoptent-ils des stratégies de communication différentes ? Et quels sont les challenges auxquels ils font face ?

Le débat, animée par Céline PUFF-ARDICHVILI, a été riche et les meilleurs moments et phrases clés de la matinée ont été illustrés par Céline PENOT. Pour discuter du sujet de l’innovation, nous avions réuni quatre personnalités référentes dans leurs secteurs :

  • Pierre-Yves SENGHOR, Directeur Marketing, M2OCITY, le premier opérateur télécom dédié aux objets communicants.
  • Bert VAN SON, Fondateur, MUD JEANS, marque de vêtements équitable, dont l’originalité est le leasing pour récupérer les matières premières
  • Vincent DE MONTALIVET, Co-fondateur, MYRECYCLESTUFF, plateforme et réseau social de troc circulaire
  • Xavier DAGRAS, Performance Network Director, ORANGE, opérateur télécom

Illustration de Céline Penot

L’innovation est partout

Quels ont été les enseignements de la matinée ? D’abord, l’innovation est partout. Comme le soulignait Xavier DAGRAS, d’ORANGE, nous ne sommes plus dans le schéma classique R&D d’un côté, opérationnels de l’autre. Aujourd’hui, l’intelligence est partout dans l’entreprise. La parole est beaucoup plus libre, tous les salariés sont susceptibles d’être au contact du client. C’est un changement énorme que les entreprises doivent accepter. Pour qu’une telle démarche d’innovation fonctionne, c’est comme pour la RSE : il faut mobiliser les tops managers et l’ensemble de la ligne de management.

Mais pour qui veut marketer de nouveaux business models, il est important de considérer la notion de ROI dès la conception du produit ou du service. Le sujet de la rémunération des acteurs de l’innovation – qu’ils soient internes ou externes – a également été évoqué. Ce principe est au cœur du processus décisionnel chez Orange.

Illustration par Céline Penot

Innover, c’est prendre des risques

Pierre-Yves SENGHOR, de M2OCITY, précisait quant à lui que le marché se façonne lui-même, grâce au web 2.0. Par exemple, au sujet des objets connectés, on peut demander à la communauté d’imaginer des applications pour exploiter les données publiées, pour développer leurs usages. Le champ de tous les possibles pour un marketeur, qui voit les consommateurs se réapproprier les don-nées pour d’imaginer de nouveaux usages…

Car innover, c’est bien prendre des risques côté marché. Ainsi, Bert VAN SON, fondateur de MUD JEANS, veut croire que le public est prêt pour non seulement des vêtements recyclés, mais aussi pour du leasing… Son idée est née d’un constat : les matières premières « précieuses », se raréfiant, deviennent de plus en plus chères. Son concept, hautement innovant, ne fait néanmoins pas l’impasse sur « les basiques » du marketing : ses vêtements doivent avant tout être désirables et au bon prix s’il veut conquérir son marché, au-delà des early adopters ou éco-conscients. Pour lui, les marchés sont décloisonnés aussi. On ne peut plus opposer BtoB et BtoC. Les frontières ont changé. Il y a quatre modèles aujourd’hui : BtoB et BtoC mais aussi CtoB et CtoC aussi ! Les modèles cohabitent et les business models doivent s’adapter.

Illustration de Céline Penot

Des business models innovants ?

De l’idée innovante naissent les différents business models : c’est également le cas pour le modèle de MYRECYCLESTUFF. Vincent de MONTALIVET, son fondateur explique lui aussi avoir eu le déclic en constatant que l’on avait pas besoin de tout acheter en neuf, alors qu’il suffisait de pouvoir échanger avec son réseau. De cette idée est né un concept plus large de plateforme d’échange de biens et de services à partir d’un concept de réseau social de troc pour les particuliers. De ce principe peuvent naitre plusieurs marchés potentiels en BtoB. La plateforme peut par exemple être développée dans de grands groupes pour utiliser l’échange pour favoriser les relations entre salariés. Elle pourrait répondre à des besoins dans le domaine de l’économie circulaire BtoB. Le modèle d’affaire initial pensé pour les particuliers n’aura rien à voir dans un cadre où les intérêts économiques entre les acteurs sont plus forts. Des modèles d’affaire peuvent naître en fonction des cibles.

Vincent de MONTALIVET a dû innover pour trouver un modèle de rémunération cohérent avec le service : difficile par exemple d’inclure des publicités sur le site pour des produits ! Et il était également délicat de percevoir une commission au particulier sachant que les services ou biens échangés ont une valeur faciale limitée. L’innovation est donc venue tant du moteur de recherche qui permet le « matching » entre offre et demande que de la façon dont le concept est présenté et marketé. L’idée va faire son chemin, pourvu que le « réseau » de troqueurs grandisse… et donc soit connu.

Illustration de Céline Penot

Communiquer de manière innovante ?

Sur le sujet de la communication : une idée innovante doit-elle pour autant être communiquée de manière innovante ? Pour nos invités, les avis étaient partagés. Le Web2.0 a néanmoins l’avantage énorme de permettre des campagnes virales très impactantes… pourvu qu’elles soient bonnes et sachent touchent leur cible ! L’innovation ne permet pas de faire l’impasse sur la qualité, et le Web2.0 impose la transparence. Xavier DAGRAS met en garde sur la nécessité de rester « à l’écoute ». L’utilisation des réseaux sociaux exige en effet d’échanger et de répondre aux internautes…

Comme le soulignait Pierre-Yves SENGHOR, le marché grand public a changé avec Internet. Il est devenu très accessible, il n’y a quasiment pas de barrière d’entrée. En BtoB, les achats sont moins impulsifs, le cycle d’achat est plus long. Mais pour vendre la prestation en BtoB, il faut que les usages des consommateurs se développent. Pour m2ocity par exemple qui apporte de nouveaux services aux usagers, il est indispensable de les faire connaître au public pour que les fournisseurs d’eau ou d’énergie et les collectivités aient envie de les mettre en œuvre… Le BtoC va permettre d’apporter la notoriété pour aller sur le BtoB.

Les modèles innovants doivent aussi l’être… avec leur propre budget marketing ! Tous les acteurs présents s’accordaient pour dire que dans ce domaine aussi, la créativité est indispensable… Bert VAN SON explique que, sans budget marketing, il arrive à avoir de nombreuses retombées notamment dues à la curiosité que son modèle génère et à la fierté d’appartenance de ses early adopters – qui font eux même le buzz. À lui ensuite de capitaliser sur ces retombées, en organisant des rencontres physiques… comme pour les journalistes ! Vincent de MONTALIVET essaie également, avec peu de moyens, de toucher un public large via Facebook (grand public) ou Twitter (presse, politique…) – en publiant des messages très différents d’un communiqué de presse qui nous apporte une autre forme d’adhésion, de crédibilité, d’audience. Comme le soulignait Pierre-Yves SENGHOR : les réseaux sociaux changent les manières de communiquer pour les entreprises. C’est une richesse, une chance. Ils ne sont rien d’autre que du bouche à oreille numérisé qui peut être vu par tout le monde.

Illustration de Céline Penot

Les réseaux sociaux
pour animer des communautés

On peut néanmoins utiliser les réseaux sociaux comme un media mainstream en y dédiant plus ou moins de budget… Comme le démontrait Xavier DAGRAS, dans le modèle des années 1980-2000, les marques sponsorisaient des héros. Aujourd’hui, elles sponsorisent des événements de jeunes, des mini-séries… Il y a un lourd travail de création et d’animation de la communauté. Le dernier héros de la campagne Orange, c’est Norman, un jeune qui publie depuis 5 ans des vidéos de ses délires sur YouTube. C’est une image iconique. Les héros ont changé.

Les réseaux sociaux permettent donc d’allouer des budgets ajustables… tout bénéfice ? Si le coût d’acquisition des clients est aujourd’hui réduit grâce à l’utilisation des réseaux sociaux, comme le précisait Xavier DAGRAS, les followers ne sont pas obligatoirement des clients. Cela pose la question de la monétisation de l’audience. Et avec la difficulté de devoir prendre en compte des remarques ne venant pas forcément de clients. Au final, il faut pouvoir reconnaitre l’importance de gérer la relation avec un nombre croissant d’influenceurs potentiels. C’est une tendance lourde qui change fondamentalement les métiers de la communication – qui doivent se transformer en métiers de la gestion de la relation.

Comme le résumait Pierre-Yves SENGHOR, aujourd’hui, bâtir une image avec les nouveaux médias, devient plus facile, surtout avec un produit très viral, qui surfe sur les tendances, et potentiellement moins onéreux. Mais on peut s’interroger : est-ce vraiment si simple et si bon marché sur des marchés de niche ? Comme on le sait, il est également très facile aussi de se casser la figure. Ça va dans les deux sens. Si on entre dans ce mode de communication, il faut accepter les bonnes choses (la notoriété à moindre coût) mais aussi les mauvaises (notamment les risque de se faire piquer les idées). D’où la nécessité de travailler sur l’image et sur la clientèle. Vincent de MONTALIVET soulignait justement, c’est que tout le monde (et pas uniquement les jeunes) à accès à l’information, à la connaissance. Le mot de la fin pour Pierre-Yves SENGHOR : une solution est d’aller plus vite que le courant, comme en kayak.

Xavier DAGRAS, Vincent de MONTALIVET, Bert VAN SON et Pierre-Yves SENGHOR (de g. à d.)

Un autre regard sur la conférence

Celui de Céline PENOT :-)

Illustration de Céline Penot
Illustration de Céline Penot
Illustration de Céline Penot
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