Agriculture et environnement : FNE attaque

Alors que le Salon international de l’agriculture se déroule à Paris du 19 au 27 février, l’association France Nature Environnement (FNE) propose au public une toute autre vision de l’agriculture à travers une campagne dans la presse et en affichage du 15 au 21 février. Avec des slogans et des visuels percutants et provocants (voire parfois choquants : le petit garçon qui joue dans les algues vertes, le « pistolet » sur la tempe…), une dose d’humour et quelques références cinématographiques, FNE dénonce les impacts environnementaux et sanitaires de certaines pratiques agricoles :

  • L’impact des pesticides sur les abeilles : « Kill Bees – Tueurs d’abeilles. Certains pesticides présentent un danger mortel pour les abeilles et ce n’est pas du cinéma. » ; « Fin du buzzzzz. Certains pesticides présentent un danger mortel pour les abeilles. »
  • La prolifération des algues vertes : les titres « Arrêtez vos salades ! » et « Bonnes vacances » accompagnés de l’argumentaire « L’élevage industriel des porcs et les engrais génèrent des algues vertes. Leur décomposition dégage un gaz mortel pour l’homme ».
  • Les risques liés aux OGM : « Gros menteurs. La loi n’impose pas l’étiquetage des viandes issues d’animaux nourris aux OGM » et « C’est sans danger. Concernant les OGM, on n’a pas encore assez de recul… »

À chaque fois, le même mot d’ordre apparaît en signature : « Agissez avec nous : www.fne.asso.fr ».

Jusqu’alors, ce genre de campagne offensive (que les professionnels de l’agriculture qualifieront sûrement d’offensante) était plutôt le fait d’ONG comme la Fondation Nicolas Hulot ou Greenpeace ou alors d’associations plus locales comme Eau & Rivières de Bretagne (avec la campagne Jeannette par exemple). C’est intéressant de voir FNE se positionner sur ce créneau et essayer de sortir de l’ombre !

Remarque : le visuel choc du pistolet-épis de maïs sur la tempe n’est pas nouveau, il a déjà été utilisé, avec un poireau, par l’ONG IPM Thaïland (dont la position vis-à-vis des pesticides est très claire comme en témoigne leur rapport intitulé « Avez-vous pris votre dose de poison aujourd’hui ? ») et par Les Verts, avec une banane…

Le « buzzzzz » n’est pas fini !

Dès le début de la campagne, les réactions sont nombreuses :

  • Les agriculteurs (notamment bretons) et leur ministre de tutelle crient au « scandale » et dénoncent une « provocation à quelques jours du salon de l’Agriculture ».
  • La ministre de l’Écologie a au contraire défendu « le droit d’expression des associations environnementales ».
  • Les associations environnementales, si elles sont plutôt d’accord sur le constat, regrettent la forme « stigmatisante » de ces affiches.
  • La région Bretagne a décidé d’assigner en justice l’association FNE pour « atteinte à son image »
  • Métrobus, la régie publicitaire de la RATP, a refusé d’afficher trois des six visuels de la campagne. Les deux sur les algues vertes dont le message a été jugé « trop agressif », « très dénigrant » et donc « contraire au principe de neutralité du service public ». Celui rappelant l’affiche du film Kill Bill sous prétexte qu’il manquait « l’autorisation de Tarantino ». Soulignons que ces mêmes visuels ont été acceptés par l’ARPP et par la justice.

De son côté, FNE persiste et signe. Benoît Hartmann, son porte-parole, s’exprimait le 16 février dans l’émission Buzz média Orange-LeFigaro. En voici quelques extraits :

  • « On ne sait pas pourquoi on ne peut pas parler d’algues vertes au moment du salon de l’agriculture et pourquoi, en France, c’est si difficile de parler d’agriculture intensive. »
  • « On a réclamé que nos six visuels soient affichés comme prévu. »
  • « Le message c’est qu’on a besoin de l’opinion publique derrière nous. Nous sommes une fédération d’associations de terrain mais sans une opinion publique forte, informée, sensibilisée et mobilisée, nous avons du mal, quand on établit le dialogue avec les organisations professionnelles, à faire avancer des thématiques qui nous semblent d’intérêt commun. Notre objectif est de défendre un modèle agricole qui existe en France mais qui n’est pas suffisamment défendu. »
  • « On ne comprend pas que sur le fond du message ça puisse poser problème. Après sur la forme… oui, c’est une forme saisissante mais elle a besoin d’être saisissante parce que nous avons besoin de cette opinion publique. »
  • « D’après des sondages que certains médias ont réalisé, il semblerait que l’opinion publique nous suive et trouve effectivement qu’il est nécessaire d’interpeller et qu’il est nécessaire de réfléchir à un autre modèle agricole. »
  • « On ne pointe pas une profession mais un système dont les agriculteurs eux-mêmes sont victimes.  Ce que l’on critique, c’est une manière de faire de l’agriculture et qui n’est pas du tout dominante en France. C’est celle qui attrape toutes les aides, c’est celle qui pollue le plus certainement, mais ce n’est pas le modèle dominant. »

Un peu de recul

Cette campagne soulève deux réflexions relatives aux objectifs poursuivis par France Nature Environnement et à la médiatisation des questions environnementales.

Premièrement, si l’objectif de FNE est de « susciter le débat » comme l’affirme son porte-parole, alors nous ne pouvons que constater qu’il n’est malheureusement pas atteint. En effet, un buzz médiatique n’est pas un débat. Combien d’articles ou de reportages publiés ces derniers jours abordent les questions de fond ? Très peu. Les journalistes reprennent les « petites phrases » des uns et des autres. Les acteurs se retranchent sur leurs positions respectives.

Deuxièmement, l’objectif de cette campagne serait-il simplement de mieux faire connaître la « marque FNE » ? Dans ce cas, oui, on peut dire que France Nature Environnement a réussi son pari. Mais à quel prix ? Tous les moyens sont-ils bons pour faire du buzz ?

  • Cette ONG était connue et respectée pour son action de terrain et son dialogue avec les parties prenantes. C’est déconcertant de la voir utiliser des techniques marketing habituellement employées par les industriels (rappelez-vous la campagne Cristaline par exemple). Les visuels sont alors volontairement conçus pour provoquer l’indignation de certains acteurs, des réactions vives, voire leur interdiction, gage d’une bonne publicité.
  • Que pensent les petites associations membres de FNE de cette campagne ? Vont-elles payer les pots cassés lors de prochaines négociations locales ? Vont-elles défendre leur fédération nationale ou

bien prendre leur distance ? Une première réponse vient de l’association Eau et rivières de Bretagne, membre de FNE, qui regrette « l’absence de concertation préalable ».

  • Nous pouvons également nous interroger sur le timing de cette campagne, un an avant l’élection présidentielle. Les incertitudes concernant l’avenir de la Fondation Nicolas Hulot du fait de la possible candidature de son fondateur à l’élection donnent-elles des idées aux dirigeants de FNE ? Y a-t-il une place à prendre dans le panorama des « grandes » ONG écologistes françaises ?

Les visuels

|Visuels de la campagne FNE 2011 Agriculture et environnement|
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|Affiche IPM Thailand|
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|Affiche Les Verts 2008|
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