Associations : un spectre d’expression très large

Les associations se différencient des autres acteurs du domaine par leur approche des problèmes mais aussi par leur mode de fonctionnement interne, leur modalité de contact avec d’autres types d’organisation, ainsi que par leur financement et la définition de leurs objectifs. De l’association Greenpeace à l’association Orée, le spectre d’expression du monde associatif environnemental est très large. Les organisations de type institution ou entreprise, qui sont en interaction avec elles, sont parfois décontenancées devant tant de diversité. Il nous apparaissait donc nécessaire de faire le point sur cette diversité, parfois perçue comme source de contradictions (c’est le cas sur des sujets comme les éoliennes, le nucléaire ou les incinérateurs de déchets par exemple).

Sommaire :
Définition
Données
Sérieuse ou NIMBY
Utilité publique
Outils de communication

Définition

La première difficulté dans l’étude des associations environnementales tient à l’ambiguïté même de leur définition. Différentes dénominations sont concurrentes pour désigner ces associations : Association pour la Protection de la Nature et de l’environnement (APNE ; sigle adopté par France Nature Environnement – FNE) ; Association de Défense du Cadre de Vie et de l’environnement (ADCV ; sigle utilisé par le Ministère de l’environnement et du cadre de Vie en 1980) par exemple. Prend-on en compte les associations dont la première mission est l’environnement, avec la difficulté liée à la définition même de cette notion ? Ou bien accepte-t-on toutes les associations qui y ont trait de près ou de loin (i.e. associations scoutes ? fédération de pêche ou de chasse ? associations culturelles défendant des édifices locaux ? etc.). Différentes typologies [[Typologie des associations environnementales :
LASCOUMES Pierre, L’éco-pouvoir, La Découverte, 1994 ;
ISABELLE Benjamin, AUCLAIR Elisabeth « Développement de la vie associative du secteur environnement », Recherche sociale, n° 127 juillet-septembre, 1993 ;
FLAHAULT Erika, La composition sociale des associations du secteur environnement, étude Ademe Démoscopie, 2001.]] existent afin de clarifier la situation. L’expression « association environnementale » nous semble en fait la plus neutre par rapport aux autres dénominations indiquées ci-dessus.

Données

Les plus anciennes associations environnementales en France sont nées au 19e siècle et au début du 20e siècle :

— 1854 : Société impériale de Protection de la Nature (qui deviendra la Société française de protection de la Nature),
— 1874 : la Fédération des clubs alpins français (CAF),
— 1912 : la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO).

Les années 1970 connaissent une autre vague de création d’associations environnementales :

— 1969 : la Fédération Française des Sociétés de Protection de la Nature (FFSPN), qui deviendra France Nature environnement (FNE),
— 1970 : les Amis de la Terre (1969 pour son homologue américaine),
— 1971 : Greenpeace,
— 1979 : Earth First !

En 2001, l’Annuaire des 1000 associations pour l’environnement recense plus d’un millier d’associations environnementales ] en France, considérées par les auteurs comme « associations principales » oeuvrant pour l’environnement. Le critère retenu pour les nommer ainsi repose sur la pérennité de ces structures. Les membres de l’association des Journalistes pour la Nature et l’Environnement (JNE), principaux auteurs de l’Annuaire, expliquent : il s’agit des associations dont l’avenir est assuré durablement (c’est-à-dire plus de trois ans), à l’opposé des associations à durée de vie éphémère (c’est-à-dire moins de trois ans). La plupart de ces associations (plus de la moitié) ont ainsi plus de dix ans. Il est vrai que l’identification de structures éphémères est relativement difficile. Mais la conséquence est que ce chiffre ne renvoie donc que partiellement à la réalité du terrain, connu justement pour donner lieu à un grand nombre de structures éphémères.

Par ailleurs, comme le montre l’étude d’Erika Flahault ], malgré la diminution des adhésions au sein des associations caractérisées par une dimension revendicative, diminution constatée au plan national, le nombre des associations environnementales est resté stable et comme insensible à ce phénomène de baisse. Elles n’ont pas progressé pour autant.

Il n’existe pas d’études à notre connaissance sur les motifs de création des associations environnementales. Par contre on connaît les motivations des personnes rejoignant une association (cf. étude Erika Flahaut)

Sérieuse ou NIMBY

Dans le regard porté par un certain nombre d’entreprises et d’institutions sur les associations environnementales, on observe une distinction entre les associations environnementales dites « sérieuses » et les autres associations environnementales, rarement qualifiées par ailleurs. La mention « association sérieuse » renvoie à une forme de relation entre certains mouvements et les autres acteurs de l’environnement que sont les entreprises, les institutions, les collectivités locales et les élus. Cette appellation, officieuse, désigne les associations participant au dialogue établi entre entreprises et institutions et cela renvoie généralement à des associations environnementales à durée de vie longue.

Les « autres » associations sont des associations environnementales aux méthodes d’action plus revendicatives, mais surtout qui refusent de participer à des organes de concertation locaux. Greenpeace illustre parfaitement ce type d’association, puisqu’elle a basé sa communication sur des « actions d’éclat » assez spectaculaires, reprises volontiers par les médias, et qu’elle ne participe à des échanges qu’au niveau international. L’action directe, chère également à Earth First, frappe par son activisme frisant l’illégalité. D’autres encore échappent à la dénomination « association sérieuse », ce sont toutes les associations centrées autour de l’approche NIMBY.

NIMBY : Not In My Back Yard, que l’on traduit généralement en français par « Pas dans mon jardin », mais qui serait sans doute plus proche du français sous la formule « Pas dans mon arrière-cour », c’est-à-dire « Pas chez moi » et « Pas dans mon intimité ». Un problème précis se pose et des personnes se mobilisent pour résoudre ce problème. Cette attitude correspond au refus d’un événement dans le « chez soi », ou juste à proximité, mais suffisamment proche pour se sentir atteint. Le corollaire à ce type de démarche, en réaction à un événement, est que l’association est amenée à s’éteindre dès que le problème est résolu, puisque la mobilisation mise en œuvre par ce type d’association n’a plus lieu d’être. Et il est vrai qu’une des caractéristiques des associations environnementales est leur courte durée de vie ].

Le syndrome NIMBY associatif présente également un profond paradoxe vis-à-vis de sa nature environnementaliste. En effet, ce sont souvent les principes « écologiques » même qui sont rejetés ! C’est le cas de l’implantation des éoliennes : nombre d’associations se prétendant pour la défense de l’environnement se créent pour contrer ces projets, alors que l’éolienne est le symbole de l’amélioration de l’environnement. En revanche, ces associations sont parfaitement favorables à l’énergie éolienne… mais pas chez eux ! De ce fait naît aussi un certain manque de crédibilité de ces groupements de personnes. Pire, certaines rumeurs circulent pour dénoncer une possible manipulation organisée par de puissants groupes de pression, car certaines de ces associations bénéficient d’une importante couverture médiatique et de moyens de communications coûteux. Mais cela reste une rumeur, bien sûr !

Utilité publique

D’emblée, il semble que les questions d’environnement relèvent de l’intérêt collectif. En effet, pour la plupart, ces questions concernent des biens matériels définis aujourd’hui comme biens communs ou collectifs : l’air, l’eau, le sol, le sous-sol, les océans, les forêts, l’espace, la Lune, etc. Cela implique que les associations spécialisées dans le domaine de l’environnement travaillent plus ou moins à la poursuite de l’intérêt général. C’est pourquoi un certain nombre d’entre elles sont reconnues d’utilité publique.

Parmi ces 1000 associations environnementales répertoriées dans l’Annuaire des 1000 associations pour l’environnement, environ 120 associations pour l’environnement ont demandé et obtenu l’agrément du Ministère de l’Écologie et du Développement Durable ; l’information recueillie sur ce site date de février 2004.]].

La reconnaissance d’utilité publique (RUP) doit faire l’objet d’une demande et n’est jamais accordée automatiquement. L’association doit répondre à un certain nombre de critères : poursuivre un but d’intérêt général ; fonctionner depuis trois ans au moins ; avoir un nombre d’adhérents cotisant individuellement suffisant eu égard à son objet ; justifier d’une garantie financière, notamment en valeurs mobilières ; justifier d’une activité et d’une influence à l’échelle nationale.

Il se trouve que les personnes adhérentes aux associations environnementales sont en forte proportion des agents de l’État, des fonctionnaires. Ce sont aussi des scientifiques (sciences dures) dans la droite lignée des naturalistes, pour qui les biens communs sont aussi un champ d’étude et d’investigation commun à tous les chercheurs.
Cette double caractéristique peut expliquer le sens aigu des associations environnementales face à la responsabilité d’un bien commun, lié à la notion de service public ].

La reconnaissance d’utilité publique traduit surtout le fait historique que les associations environnementales ont en fait émergé sur la scène publique, en grande partie soit carrément à la demande ou bien simplement avec l’aide active des pouvoirs publics. L’étude d’Erika Flahault souligne qu’il est étonnant de voir que le rôle de ce type d’association se renforce sans que le nombre de leurs adhérents ait pour autant augmenté (il a stagné).

L’auteur montre que cette entrée sur la scène publique se déroule de 2 manières :

— Soit il s’agit « des acteurs au service de l’intervention publique ». Certaines tâches publiques ou certaines compétences des administrations publiques sont directement déléguées à des associations environnementales. Les associations environnementales sont alors de véritables prestataires des services publics ; le CLER (Comité de Liaison des Energies Renouvelables) en est l’exemple type. Ce mouvement va de pair avec une professionnalisation de l’association.
— Soit il s’agit « des acteurs du débat public » : il s’agit des associations conviées aux différentes instances de consultation et de concertation. Ces instances sont nommées par l’État au niveau local pour la plupart.

L’auteur s’interroge sur les changements dans la vie politique locale que peuvent induire la participation des associations environnementales. Celles-ci proclament souvent vouloir « faire de la politique autrement ».

Pierre Lascoumes ] indique que pour lui le principal référent de ces associations n’est d’ailleurs pas la préservation de l’état de nature ou la lutte contre les atteintes aux milieux, mais le besoin de participation démocratique :

« Ainsi il semble que souvent, au-delà de la protection d’un site ou d’une mise en question des politiques d’aménagement, les associations dénoncent l’opacité des prises de décision, révèlent des failles dans le contrôle de légalité des opérations, ou encore s’interrogent sur les rapports privilégiés entre un établissement public ou une collectivité locale avec les autorités de surveillance étatique. »

Enfin, sans en avoir le statut officiel, nombre d’associations ont une utilité publique. D’ailleurs, certaines d’entre elles sont en quelque sorte « commanditées » et financées par des instances publiques. C’est le cas des Agences régionales de l’environnement , associations dont les statuts sont étroitement liés aux régions qui les financent.

Outils de communication

Au niveau communication, les associations environnementales pratiquent plusieurs types de communication, du lobbying à la manifestation.

Tout d’abord, le lobbying renvoie à des pratiques anciennes. En effet, les naturalistes et leur cercles de rencontres, le croisement avec des hommes politiques, la participation à différentes commissions de travail mises en place par les pouvoirs publics au niveau national comme au niveau local, la reconnaissance de leur utilité publique et par là de leur sérieux, rapproche leur façon d’agir des pratiques courantes du lobbying.

Cela concerne en particulier les associations désignées sous l’appellation « associations sérieuses ». En effet, elles participent à des commissions d’information ou d’enquête, locale ou nationale, ainsi qu’à des rencontres de travail, comprenant les industriels auxquelles elles s’opposent (CLIS, CLI, enquête publique, groupes de travail de différents ministères, stakeholders session, etc.). Bien souvent elles rejettent la possibilité d’un activisme spectaculaire.

La contestation est un autre dispositif. Les associations qui s’excluent elles-mêmes des organes de concertation existant le font au titre que : « les dés sont toujours pipés » ], elles remettent souvent très clairement en cause la confiance dans les institutions politiques ou les pouvoirs publics.


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