Atelier climat (1/3) : une typographie de campagnes

Entre les mois de juin 2010 et 2011, 150 ménages de l’agglomération nantaise ont participé à une expérience de concertation visant à évaluer et faire évoluer les pratiques individuelles et co-produire les politiques publiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Au coeur de cet Atelier climat figurait une composante communication innovante qui consistait à tester et co-construire des messages de communication avec, en ligne de mire, la conception d’une campagne de sensibilisation et de mobilisation à l’échelle de l’agglomération.

Au sein de l’équipe de Missions Publiques chargée d’organiser et d’animer l’Atelier climat pour Nantes Métropole, je suis intervenu en tant qu’expert en communication environnementale pour livrer mon analyse de campagnes de sensibilisation existantes et monter une séance de tests en réception. Je vous livre ici, en plusieurs étapes, quelques enseignements de cette mission passionnante. Si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à me contacter.

L’Atelier Climat : une expérience inédite de concertation

Concentrant plus de 50 % de la population mondiale, les villes émettent 75 % des gaz à effet de serre de la planète. En menant des actions volontaristes sur leurs territoires, elles peuvent donc lutter concrètement contre le changement climatique. Nantes Métropole s’est ainsi dotée dès 2007 d’un ambitieux Plan Climat, dont l’objectif est de réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre de son territoire en 2020 et de 50 % en 2025.

Cependant, la communauté d’agglomération n’est directement responsable que de 6 % des émissions de son territoire. Pour atteindre les objectifs de son Plan Climat, elle doit donc mobiliser tous les acteurs de son territoire et en particulier sa population. Voilà pourquoi Nantes Métropole a lancé en juin 2010 l’Atelier climat, une expérience innovante de concertation visant à sensibiliser les habitants, à évaluer leurs pratiques et à co-produire les politiques publiques.

2010_Atelier-climat-enquete.jpgPour sélectionner ces ménages, une enquête téléphonique a été menée auprès de 2 500 personnes en mars dernier. Portant sur les déplacements, l’habitat et la consommation, cette enquête visait aussi à connaître la façon dont les habitants de l’agglomération nantaise perçoivent les enjeux climatiques (Lire la synthèse des résultats de cette enquête). Enfin, les personnes interrogées ont indiqué si elles souhaitaient participer à l’Atelier climat. À partir de là, Nantes Métropole a donc sélectionné 150 ménages représentatifs de l’agglomération.

De juin 2010 à juin 2011, ces ménages ont été invités à explorer comment chacun, à son niveau et selon ses moyens, peut contribuer à atteindre les objectifs fixés par le Plan Climat de Nantes Métropole. Deux groupes au niveau d’implication différents ont été formés. Les inscrits à la « formule 3 » ont participé à trois réunions d’information dans l’année. Ceux inscrits à la « formule 7 » ont été conviés en plus à quatre ateliers thématiques (consommation, déchets, habitat et déplacements), répondront à des questionnaires mensuels et tiendront des carnets de bord. Tous les ménages ont été invités à réaliser un bilan carbone au début et à la fin de l’expérience pour mesurer les éventuels changements opérés.

Grâce à cette démarche inédite de concertation, Nantes Métropole pourra mieux cerner les freins et les leviers rencontrés par la population pour aller vers un mode de vie moins émetteur de CO2 et pourra infléchir ses politiques publiques et lancer de nouvelles actions.

Communication et sensibilisation : des enjeux forts

Pour atteindre les objectifs ambitieux de son Plan Climat, Nantes Métropole doit mobiliser l’ensemble de sa population. La communauté d’agglomération s’est déjà engagée par le passé dans des campagnes de sensibilisation du public à la protection de l’environnement, comme en septembre 2009 à l’occasion de la Semaine de la Mobilité et d’autres actions devront être mises en place dans les années à venir.

Les responsables de la communauté d’agglomération ont jugé que cet Atelier citoyen représentait une opportunité unique pour tester les réactions des ménages à des outils de communication, à des campagnes d’affichages, à des évènements de sensibilisation ou encore à des outils incitatifs. Ainsi, une composante communication a été ajoutée au programme des ateliers.

Les conclusions tirées de cet atelier contribueront fortement à orienter les campagnes de sensibilisation à l’ensemble de la population de l’agglomération nantaise et à identifier les actions publiques les plus adéquates pour faire évoluer les comportements. L’enjeu réside dans le passage d’un échantillon de 150 ménages à une population de 600 000 habitants…

Le premier travail réalisé a pris la forme d’une étude transversale de campagnes existantes de sensibilisation aux enjeux des changements climatiques et la construction d’une typographie de ces campagnes. Ensuite, les participants à la première réunion de l’Atelier climat, qui s’est déroulée le 26 juin 2010, ont été invités à juger un échantillon de campagnes (vidéo et affiches).

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Une typographie des campagnes de sensibilisation aux enjeux des changements climatiques

Plusieurs ouvrages ont été publiés ces dernières années en Angleterre et aux USA sur le thème spécifique de la communication sur les changements climatiques. Citons notamment les études successives du cabinet conseil en communication Futerra (The Rules of the Game, New Rules: New Game, Words that Sell et Sell the Sizzle) et le guide « The Psychology of Climate Change Communication » du Center for Research on Environmental Decision (Columbia University).

La lecture approfondie de ces documents couplée à l’analyse de centaines de campagnes de communication diffusées à travers le monde par des ONG ou des institutions a permis d’en construire une typographie. Trois axes se dégagent :

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  • Axe 1 : Raison/Émotion .

Certaines campagnes cherchent à expliquer le problème, à faire appel à la logique, au raisonnement, à la rationalité du public. D’autres, au contraire, jouent sur l’émotion et les sentiments, notamment à travers des images fortes.
Voici deux exemples de campagne se situant de part et d’autre de cet axe.


  • Axe 2 : Impuissance/Emprise .

Dans certaines campagnes, la présentation des enjeux associés au réchauffement global n’est suivie d’aucune piste d’action : aucune clef n’est donnée pour contrer le problème. Au contraire, d’autres campagnes proposent des solutions concrètes, graduées, adaptées…


  • Axe 3 : Enfer/Paradis climatique .

De nombreuses campagnes, notamment d’ONG, cherchent à choquer le public, à générer un électrochoc, en insistant sur les nombreux impacts actuels et à venir des changements climatiques, dépeignant ainsi un tableau pessimiste voire catastrophiste de la situation. D’autres, à l’inverse, essaient de donner de la joie, de l’espoir ou bien se placent sur le terrain de l’humour.


Selon leurs caractéristiques et donc leur emplacement sur cette grille, certaines campagnes ont plus de chance d’atteindre leurs objectifs que d’autres. Ainsi, il a été montré qu’une campagne violente, décrivant l’enfer climatique et ne proposant aucune piste d’action concrète (en bas, à droite et en rouge sur le diagramme) avait peu de chance de faire changer les attitudes du public. De même, ce n’est pas en faisant appel uniquement à leur sens rationnel qu’on peut les faire changer (à gauche sur le diagramme). Retenir l’attention du public, toucher la part individuelle de chacun, montrer les effets positifs des éco-gestes sont quelques clefs du succès (en haut, en vert).

Sur la base de cette typographie et de ces résultats d’études, ce sont finalement six campagnes d’affichage et sept campagnes vidéo, très diverses, qui ont été retenues pour être testées auprès des participants à l’atelier climat.

La suite est à découvrir ici


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