Béa Johnson et le zéro déchet : « Ne me traitez pas d’écolo ! »

Béa Johnson est l’auteure du livre « Zéro déchet ». Les déchets ménagers que Béa, son mari et leurs deux garçons produisent en une année tiennent dans un bocal d’un litre. Son livre et ses conférences sont le témoignage de leur expérience et un plaidoyer pour un mode de vie simplifié. Nous avons eu le plaisir de la rencontrer.

Bonjour Béa Johnson, et tout d’abord merci d’avoir accepté de témoigner sur Sircome.fr.
Vous êtes une femme moderne, une famille moderne, et qui ne produisent pas de déchet. Vous êtes également artiste et les évènements ont voulu que vous deveniez écrivain et conférencière. Vous témoignez dans votre livre « zéro déchet» sur votre mode de vie reposant sur le principe de simplicité volontaire.
Votre témoignage trouve un écho notable, comme en atteste le nombre de personnes présentes à vos conférences lors de votre récente tournée internationale. Comment expliquez-vous l’accueil fait à votre « zéro déchet » et à vos conférences ?

Mon parcours n’a pas toujours été bordé de roses. Lorsque j’ai exposé notre mode de vie au grand public (par le biais de mon blog puis de la presse), nous avons été beaucoup critiqués. Le terme du Zéro déchet n’était à ce moment-là, utilisé que pour décrire des pratiques industrielles, non pas domestiques. Les gens ne comprenaient pas ce que ce mode de vie représentait. On nous a imaginé hippies, poilus, décoiffés.

Au fil du temps, grâce a la forte médiatisation de notre mode de vie, on a changé ces aprioris, le terme de Zéro déchet a perdu ses stigmates, et les critiques se sont tues : les gens se sont aperçus que nous n’étions pas des hippies, mais que nous vivions une vie normale, simple et moderne, et beaucoup ont d’ailleurs trouvé notre vie plutôt attrayante ! Depuis, des milliers de personnes à travers le monde ont adoptées ce mode de vie !

Vous habitez aux États-Unis depuis une vingtaine d’années et votre livre a été un succès Outre-Atlantique avant de le devenir en France. Percevez-vous des différences entre ces deux cultures au niveau de l’accueil fait à votre témoignage ?

Je constate que ce mode de vie intéresse particulièrement le public français. Peut-être parce que les Français apprécient les plaisirs simples de la vie (convivialité, etc.). Et ils semblent également avoir moins peur de la simplicité volontaire (que les US), sur laquelle ce mode de vie est fondé.

La France offre aussi certains avantages que les USA n’ont pas. Voici, dans la foulée, quelques exemples… Les marchés de producteurs et les halles y sont une excellente source de vrac ou de produit à la coupe (ici, au marché, les produits animaux sont vendus sous vide). Le vin en vrac y est beaucoup plus développé qu’ici. Le beurre et la crème fraîche y sont disponibles au poids à la fromagerie et les œufs en vrac au supermarché. Les petits artisans de campagnes, tels que les moulins à l’huile, les chèvreries et les apiculteurs sont bien indiqués et accueillent avec joie les visiteurs.

De plus, les magasins de vrac sont en pleine expansion : mon livre a inspiré des dizaines d’entrepreneurs à se lancer. Je peux citer Jean Bouteille qui ramène la consigne sur le marché ou Alice Bigorgne qui a ouvert un magasin Day by Day à Lille le mois dernier (et que j’ai eu l’honneur d’inaugurer lors de mon passage en France !). Vous pouvez vous imaginer a quel point ces initiatives me font chaud au cœur!

Quelles sont les motivations chez les personnes que vous rencontrez à produire moins de déchets ? Y-a-t-il y a des différences culturelles à ce niveau entre les pays que vous avez visités ?

Le problème des déchets (dont les déchets domestiques, sauvages, marins, etc.) touche le monde entier et n’est plus un secret pour personne.

L’intérêt pour le mode de vie « zéro déchet »est global. J’ai eu l’occasion de le présenter au maire d’une grande ville de France, à une association de supermarchés au Brésil, au parti écolo de Bergen en Norvège, à une organisation environnementale du Ghana, à un colloque sur le recyclage en Australie, à diverses universités au Québec, etc. Le Zéro Déchet ne connait donc aucune limite sociale ou géographique. De plus, faire des économies et gagner du temps sont des sujets qui attirent tout type confondu de familles, quelles que soient ses origines ou moyens financiers !

Au cours des échanges avec votre public, quelles questions reviennent plus régulièrement que d’autres ?

Les questions posées sont celles que je n’ai pas l’occasion de couvrir pendant ma présentation d’une heure :
-*Comment nos enfants vivent notre changement ? Qu’en pensent leurs copains ?
-*Est-ce que l’on fait attention à notre consommation d’eau et d’énergie ?
-*Est-ce que l’on a une voiture ? Des ordinateurs ?
-*Pourquoi notre intérieur est-il blanc ?
-*Qu’est-ce que j’utilise pour mes menstruations ?

Les motivations que vous mettez en avant pour ne plus produire de déchets méritent d’être soulignées. On est loin des discours « traditionnels » sur l’environnement et vous mettez plutôt en avant le gain de temps, l’économie d’argent, et plus généralement la simplicité volontaire. Pourquoi ce choix de communication ?

Beaucoup s’imaginent que notre motivation n’est qu’environnementale. Il est vrai que nous avons démarré ce mode de vie pour l’aspect environnemental mais aujourd’hui il va bien au-delà, car ce sont ses bienfaits (meilleure santé, gain de temps et économies d’argent) qui nous motivent et qui sont les raisons pour lesquelles on ne s’imaginerait jamais revenir en arrière.

Ce que je préfère souligner avant tout lors de mes conférences, c’est que ce mode de vie permet de « vivre plus », car le gain de temps fait place à ce qui est important : notre famille, nos amis et une vie riche en expériences. Avoir moins pour faire plus ! Et finalement, cela conduit à ne pas produire de déchets.

Mon « choix de communication » n’est autre que présenter notre mode de vie tel qu’il l’est. Je ne suis pas là pour dire à qui que ce soit comment vivre sa vie il revient à chacun de vivre comme bon lui semble. Tout ce que je peux offrir, c’est notre expérience et des exemples pratiques et concrets, et c’est ce que je fais.

Votre témoignage vous permet-il de toucher un autre public qu’avec un discours sur l’écologie ?

Comme je le mentionne plus haut, nous avons pu contrer toutes sortes d’idées reçues grâce à la médiatisation de notre mode de vie. Mais la façon dont nous nous présentons a aussi permis d’inspirer des individus, de les pousser à se lancer pour des raisons autres que l’écologie. « Présenté comme tu le fais, ça donne envie » m’a-t-on dit.

Lorsque l’on m’invite pour intervenir à une conférence, on s’imagine que je vais montrer des images de déchets sauvages, de décharges débordantes, etc. Un collégien m’a dit un jour qu’il s’attendait à ce que j’arrive déguisée avec des sacs plastiques : il a été plaisamment surpris de me voir arriver maquillée et sur talons hauts.

Je ne suis pas une « écolo » et ne me le dîtes surtout pas. Je ne supporte pas être traitée d’écolo. D’une part, en France, cela a une dimension politique et fait référence à des partis politiques. Ce qui n’est pas le cas aux États-Unis. D’autre part, ma famille et moi avons une empreinte carbone. Si nous étions des écolos, cela ne devrait pas être le cas.

À votre avis, quel est le ou les points forts de votre communication ? Avez-vous été conseillée au niveau de votre stratégie de communication ?

Non, je n’ai pas été conseillée (sourire).
D’après les retours, ce qui est apprécié dans ma conférence est que je parle avec le cœur, en toute sincérité et honnêteté – je n’ai rien à cacher ! – avec passion, positivité, et humour. Mais surtout, je donne un exemple concret et applicable chez soi : nul n’en part inchangé !

Vous êtes très active sur les réseaux sociaux où vous gardez un ton très proche en nous faisant part notamment de vos astuces du quotidien. Quel est le rôle des médias sociaux dans vos activités de diffusion ? Comment choisissez-vous les informations que vous transmettez sur les différents médias ?

Les réseaux sociaux ne sont pas mon activité favorite. Mais j’estime qu’ils sont importants pour diffuser des idées, des événements et des initiatives. Par exemple, je partage souvent des études de marchés (sous forme de questionnaires) pour des entrepreneurs qui se sont inspirés de mon livre pour ouvrir un magasin de vrac. Je tiens bien-sûr à les soutenir comme je le peux. La forte participation qu’ils reçoivent les surprend toujours. La communauté Zéro Déchet que j’y ai créée est communicative, active et toujours croissante !

À votre avis, comment faudrait-il s’y prendre pour sensibiliser certains profils peut-être plus réfractaires au discours sur la prévention des déchets ? Et quels conseils donneriez-vous pour rendre ce sujet « fashionable » ?

Le Zéro Déchet est un devoir citoyen, une nécessité : il est devenu évident que nos ressources naturelles ne peuvent continuer à soutenir la consommation croissante et irresponsable de notre société.
La sensibilisation du public est essentielle. Il revient aux médias, mairies et groupes locaux de continuer à montrer des exemples concrets et positifs, et à casser les idées reçues liées au terme Zéro Déchet.

Il revient de même aux élus de mettre en place des programmes, comme l’a fait San Francisco pour faciliter la réduction des déchets (ramassage des déchets organiques par exemple).

Envisagez-vous d’élargir votre champ d’intervention à d’autres pratiques éco-citoyennes qui relèveraient de la simplicité volontaire ? Par exemple, comment ne consommer que des produits locaux.

Je ne propose de conférence que sur les méthodes éco-citoyennes que je pratique jusqu’au bout, et pour lesquelles je donc suis experte, telles que « l’élimination du gaspillage alimentaire a la maison ». C’est ainsi que je peux parler de mon sujet avec passion, confiance et en toute liberté. C’est ce qui donne de la force à mes interventions, comme je le décris plus haut.

Je ne me permettrais pas de m’exprimer sur les économies d’eau ou d’énergie par exemple. Les habitants de notre région consomment 100 gallons d’eau par personne et par jour. On en utilise que 90 par jour à nous 4. On consomme donc 4 fois moins d’eau que la moyenne régionale mais je sais que certaines personnes vont plus loin que nous dans la démarche de réduction de consommation d’eau. Je préfère les écouter plutôt que m’exprimer sur ce sujet, elles ont plus de choses à nous apprendre.

Comment-vous positionnez-vous par rapport à d’autres aspects du développement durable ?

J’estime que toutes les pratiques valent la peine d’être testées chez soi. C’est grâce à cette ouverture d’esprit et à cette curiosité que l’on fait des découvertes et que l’on a l’occasion d’adopter de nouvelles pratiques. C’est en expérimentant des pratiques que nous avons pu réduire notre consommation d’eau et d’énergie tout en gagnant en qualité de vie.

Je vous remercie beaucoup Bea pour ce témoignage. Nous continuerons de suivre votre actualité et vous pouvez compter sur le hub Sircome.fr pour relayer votre actualité.
Pour vous suivre : www.zerowastehome.com/.


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