Florence Touzé : Marques et responsabilité : perceptions et influence des médias

Florence Touzé est professeur de marketing et titulaire de la Chaire Marque responsable SciencesCom-Audencia Group. Elle est au coeur de plusieurs projets passionnants : concours étudiant pour renouveler la communication sur les enjeux alimentaires, ateliers de partage d’expériences inter-entreprises, études pour mieux comprendre la perception par les publics de la notion même de responsabilité ou pour mieux cerner le rôle des médias…

Bonjour Florence et bienvenue sur Sircome. Vous êtes responsable des programmes communication de marque et professeur de marketing à l’école de communication SciencesCom à Nantes. Vous êtes également titulaire de la Chaire Marque responsable SciencesCom-Audencia Group. Quel a été votre parcours ? À quel moment avez-vous commencé à vous intéresser aux enjeux du développement durable.

Bonjour et merci de l’accueil de Sircome !

J’ai une formation d’école de management que j’avais choisie pour travailler dans la publicité. Et c’est effectivement en agence que j’ai commencé ma carrière. J’y ai passé quelques années en tant que directrice de clientèle.

L’enseignement est presque arrivé par hasard, mais cela a été un vrai coup de cœur ! J’ai alors repris des études universitaires pour pouvoir m’y consacrer entièrement. Mais toujours sur les mêmes centres d’intérêt : la communication, la consommation, les marques.

Quant au développement durable, c’est devenu une évidence à titre personnel au tournant des années 2000. Mon propre questionnement sur ma consommation s’est rapidement transformé en sujet d’étude. Et plutôt que d’opposer DD et communication, j’ai souhaité interroger les concepts et les pratiques : Comment mettre la communication et le marketing au service de la transition ? J’ai eu la chance de trouver écho à ces interrogations au sein de SciencesCom, puis d’Audencia. La question de la responsabilité des marques est aujourd’hui au cœur de mes travaux. Et 15 ans après, il reste encore beaucoup à faire !

SciencesCom est « l’école de la communication et des médias », installée à Nantes depuis 1984. Elle forme notamment chaque année 250 étudiants de master en communication de marque, communication corporate et médias. Quelle place occupe le développement durable dans les formations ? Les étudiants sont-ils (plus) réceptifs ?

SciencesCom s’est intéressée très tôt à la question. En 2006, nous avons même consacré la revue de notre Observatoire à ce sujet sous le titre provocateur : « La communication peut–elle tuer le développement durable ? » ! Et bien sûr nous avons intégré le DD à nos enseignements. Pendant quelques années nous lui avons même consacré une spécialisation.

Puis nous avons opté pour une intégration transversale de ces questions à l’ensemble de nos programmes. Nous considérons en effet que ces connaissances font partie du bagage d’un professionnel de la communication et des médias. Pour nous, la question ne se pose pas. Et les étudiants commencent à le considérer comme tel. À condition de ne pas nous poser, nous enseignants, en donneurs de leçons. Les nouvelles générations sont concernées mais refusent d’être culpabilisées. Et elles ont raison.

En janvier, Open Odyssey et SciencesCom ont lancé le concours Transition Positive. Une centaine d’étudiants de master 2 sont chargés de mettre en avant des pratiques innovantes dans le domaine de l’alimentation en élaborant des outils de communication originaux. Pouvez-vous décrire le déroulement de ce concours ?

Nous sommes partis du constat que de nombreuses initiatives positives existent. Que la transition vers d’autres modèles économiques est commencée. Mais qu’étrangement la communication et les médias en font trop peu écho. L’idée est donc d’offrir la possibilité aux étudiants d’être des porteurs de bonnes nouvelles. Et de proposer aux médias partenaires des sujets, des enquêtes et des contenus, prêts à être repris ou creusés pour être diffusés.

Comment les étudiants sont-ils accompagnés ? Quels sont les résultats attendus ?

Les étudiants sont entourés de spécialistes de la communication et des médias bien sûr, mais aussi d’experts du DD et de l’alimentation. Ils rencontrent des créateurs d’entreprises, des bénévoles d’associations, des politiques enthousiastes.

Le 17 mai prochain, ils présenteront leurs travaux aux médias et à un jury citoyen. Les résultats attendus ? Que leurs contenus soient diffusés afin que les initiatives positives soient valorisées ! Et plus globalement que ces futurs professionnels s’interrogent sur leur responsabilité. Stéphane Paoli est d’ailleurs venu à leur rencontre pour les soutenir et partager cette énergie nouvelle.

La Chaire Marque responsable d’Audencia est soutenue par TBS (Groupe ERAM) et Dorel Europe (Bébé Confort, Quinny…). Quels sont les enjeux DD de ces entreprises ? Que viennent-elles chercher dans ce partenariat avec un établissement de recherche et d’enseignement supérieur ?

Nos deux partenaires sont motivés par la chaire et engagés dans ses travaux. Ils ne se posent comme modèles en matière de DD mais comme contributeurs aux recherches et volontaires dans les démarches de progrès. Ensemble, nous avons choisi ensemble d’explorer plus spécifiquement deux champs :

  • La perception de la responsabilité par les différents publics : consommateurs, collaborateurs, distributeurs…
  • La diffusion de la connaissance en matière de responsabilité, notamment via les médias et les réseaux sociaux.

Nous aimerions d’ailleurs accueillir un ou deux autres partenaires afin d’élargir notre champ d’action.

En pratique, vous avez déjà organisé des ateliers d’échanges sur l’éco-conception, la prévention des risques chimiques… Quel en est le principe ? Qui sont les participants ? Comment réagissent les entreprises ?

Les objectifs d’une chaire sont multiples : mener des études, contribuer à la recherche académique, nourrir la pédagogie et soutenir les équipes des partenaires. C’est dans ce cadre que ces rencontres sont organisées. Nous réunissons les équipes de TBS et de Dorel afin qu’elles puissent partager leurs expériences. C’est très simple, très efficace et très stimulant : une équipe raconte sa démarche, ses progrès, ses difficultés, et l’autre la bombarde de questions sans jugement de valeur mais avec intérêt et une réelle curiosité. Des liens se créent entre homologues et les échanges se poursuivent ensuite naturellement entre eux. C’est l’exemple type d’une démarche collaborative, efficace et constructive.

Vous avez également lancé plusieurs études. L’une porte sur la perception de la responsabilité, une autre sur la diffusion de la connaissance RSE dans les médias et les réseaux sociaux. Ce sont des sujets très intéressants. Quels sont les objectifs et méthodologies de ces études ? Les résultats seront-ils communiqués largement ?

Avant de pouvoir tirer des conclusions sur la meilleure façon d’exprimer la responsabilité d’une marque, la chaire s’est donnée comme premier objectif de bien comprendre comment la notion même de responsabilité est comprise.

Beaucoup de chiffres ont été donnés du type « x % des Français sont prêts à consommer responsable ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce ce que cela signifie pour eux ? Qu’est-ce qui motive un passage à l’acte ? Ou le freine ? Que perçoivent les collaborateurs d’une entreprise sur sa responsabilité ? Sont-ils sceptiques ? Attentistes ? Se sentent-ils concernés ? S’approprient-ils la démarche ?

Nous avons démarré les investigations par des approches qualitatives dont nous terminons en ce moment-même l’analyse pour le public consommateur. Nous diffuserons une synthèse des résultats. Sircome en sera parmi les premiers informés !

Concernant l’axe « impact médiatique », nous avons travaillé à l’automne dernier avec l’objectif d’identifier ce qu’il restait, 6 mois plus tard dans la tête du consommateur, des crises huile de palme, de viande de cheval et souvenez-vous, de l’effondrement des usines textile au Bengladesh. Les outils quali et quanti ont été mobilisés. Nous présenterons les principales conclusions le 20 mars lors d’une table ronde à SciencesCom : « Marques et responsabilité : quelle influence des médias ? ». Mathieu Jahnich y interviendra d’ailleurs comme grand témoin.

La Chaire marque responsable est désormais partenaire de la plateforme « Réussir avec un marketing responsable ». Quel va être votre apport et quelles sont vos attentes ? Quelle est votre vision du marketing responsable ?

Quelle belle initiative que cette plateforme ! Montrer la réussite de démarches responsables est le meilleur moyen d’inciter les entreprises à se lancer. Petites ou grandes. Oui, le marketing responsable, ça marche. Et on en a ainsi des preuves.

La chaire est très heureuse de pouvoir s’associer à cette initiative positive de partage. Ses premières contributions ? Des sujets de mémoires pour les étudiants, un travail spécifique sur la question de la création de valeur qui pourra être présenté à la fin du printemps, l’intégration de ces « succes stories » aux enseignements de SiencesCom et d’Audencia…

J’en profite pour inciter les lecteurs à présenter leurs propres démarches. La plateforme vient de lancer un nouvel appel à candidature. Témoignez !

Avec Mathieu Jahnich, vous lancez CONTINÉO, le réseau des enseignants en communication et marketing responsables. Quels sont les objectifs poursuivis ? En tant qu’enseignante, qu’espérez-vous y trouver ?

Avec Mathieu, nous avons beaucoup de sujets de discussion ! Et parmi ceux-ci bien sûr il y a la question de la formation. Nous sommes tous les deux responsables de cours et de programmes. Et nous nous posons beaucoup de questions. Ce que j’espère trouver dans ce réseau ? Surtout pas des solutions toutes faites mais des rencontres, des points vues, des expériences et de nouveaux débats : ces sujets sont en perpétuelle évolution, c’est passionnant !

Et pour aller plus loin que le virtuel, nous attendons nos homologues le 9 juillet à SciencesCom pour parler de tout ça ensemble et de vive voix !

Pour vous contacter :
florence.touze@sciencescom.org@F_Touze_Scom – 02 40 44 90 18


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