Greenwashing news n°3 : faisons le point sur les lois qui encadrent le greenwashing.
L’utilisation des allégations environnementales est historiquement encadrée par des règles déontologiques rassemblées dans la Recommandation Développement durable de l’ARPP. Mais ce dispositif d’autorégulation ne suffit pas à enrayer le greenwashing, qui freine la transition écologique. Plusieurs lois et directives européennes ont donc été votées récemment pour réglementer plus efficacement les allégations environnementales.
Autrement dit, la lutte contre le greenwashing n’est plus seulement une histoire d’éthique et de réputation : elle devient aussi un enjeu juridique avec des risques de poursuites civiles ou pénales pour les entreprises. On parle de « judiciarisation » du greenwashing.
Il est donc essentiel pour les entreprises, et leurs agences, de suivre et de comprendre l’évolution du cadre réglementaire. Cette newsletter vous en présente les éléments essentiels. Je vous invite à aller plus loin, par exemple en vous inscrivant à l’une des Master Class que j’animerai en novembre prochain avec Clémentine Baldon, avocate spécialisée. Nous proposons une formation dédiée aux équipes marketing et communication et une autre pour les équipes juridiques.
Les lois qui encadrent le greenwashing
La lutte contre l’écoblanchiment repose avant tout sur l’interdiction des pratiques commerciales trompeuses en vertu d’une directive européenne de 2005 transposée en droit français dans le Code de la consommation.
Depuis quelques années, les autorités nationales et européennes adoptent des règles plus strictes pour réglementer les allégations environnementales et sanctionner le greenwashing :
- la loi « Anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) » [A]
- la loi « Climat et résilience » [B]
- la directive européenne visant à « Donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique » [C] (qui devra être transposée dans le droit français prochainement), en attendant la directive « Green claims » qui devrait être adoptée fin 2024 ou début 2025.
Concrètement ce cadre juridique :
- Interdit l’utilisation d’allégations génériques comme « biodégradable », « respectueux de l’environnement », « bon pour l’environnement » et les mentions équivalentes [A] et [C].
- Encadre l’usage de certaines allégations comme « neutre en carbone » [B] et [C] ou « recyclable » [A].
- Encadre les labels écologiques qui devront être certifiés par un organisme indépendant ou établis par une autorité publique [C].
- Rend obligatoire l’affichage de certaines caractéristiques environnementales : proportion de matière recyclée, présence de substances dangereuses… [A].
Les risques pour les entreprises
Les entreprises contrevenantes aux règles déontologiques s’exposent seulement à un risque d’image : publication d’un avis négatif du JDP, critiques dans certains médias ou sur les réseaux sociaux… Mais avec les lois, ce n’est pas la même histoire. Ces textes sont contraignants.
Le non-respect peut entraîner des poursuites et des sanctions pénales et civiles lourdes : amendes, versement de dommages et intérêts, injonction à modifier les allégations, obligation de publication du jugement et d’information des clients…
D’ailleurs, plusieurs procédures ont été engagées par des associations de protection des consommateurs ou de l’environnement, en France, dans des pays voisins ou au niveau européen. En voici quelques unes :
- Greenpeace France, Les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous ont lancé une procédure contre TotalEnergies et contestent les allégations relatives à sa prétendue stratégie “net zéro” 2050 ainsi qu’aux propriétés climatiques du gaz et des agrocarburants, vantés comme énergies de transition alors qu’ils sont fortement émetteurs de gaz à effet de serre. [Communiqué de presse, 17 mai 2023]
- Zero Waste France contre Adidas (slogans « Made to be remade » et « End plastic waste ») et New Balance (le label « green leaf » et ses matériaux issus « de sources privilégiant l’environnement »). [Communiqué de presse, 22 juin 2022]
- Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV) et des ONG dans d’autres pays accusent Coca-Cola, Danone et Nestlé Waters de tromper le public avec l’allégation « 100 % recyclable » présente sur les bouteilles. [Dossier de presse, 7 novembre 2023].
- Suite aux plaintes déposées par le BEUC et plusieurs associations nationales de consommateurs (dont CLCV en France), la Commission européenne et le réseau des autorités de l’UE en charge de la protection des consommateurs (CPC) ont ouvert une action à l’encontre de vingt compagnies aériennes. Les allégations selon lesquelles les émissions de CO2 causées par un vol pourraient être compensées par des projets climatiques ou par l’utilisation de « carburants durables » sont considérées comme potentiellement trompeuses. [Actualité CE, 30 avril 2024]
- Au Pays-Bas, KLM a été reconnue coupable d’induire le public en erreur avec des allégations « vagues et générales » sur le caractère durable de ses vols par le tribunal d’Amsterdam, suite à la plainte déposée par plusieurs ONG. La compagnie n’a plus le droit d’utiliser certaines allégations (comme « Rejoignez-nous pour créer un avenir plus durable » ou « Soyez un héros, volez CO2ZERO »). [Article de presse, 21 mars 2024]
- Encore aux Pays-Bas, H&M et Decathlon ont été contraintes de verser respectivement 500 000 € et 400 000 € à des associations de protection de l’environnement pour éviter des poursuites par l’Autorité de la consommation et des marchés. Il leur était reproché de décrire leurs produits avec des termes généraux tels que Conscious et Ecodesign sans énoncer clairement l’avantage de durabilité. Les marques se sont engagées à modifier les allégations. [Décision de l’ACM, 13 septembre 2022, en anglais]
- En Allemagne, suite à une action de l’association de protection de l’environnement DUH, TotalEnergie a été condamnée pour fausse promesse de compensation climatique pour son combustible de chauffage « neutre en carbone » et a dû retirer les allégations. DUH a également dénoncé celles utilisées par des compagnies aériennes (Eurowings, Lufthansa) et des bateaux de croisière (TUI Cruises). [Article de presse, 5 avril 2023, en anglais]
Je signale également que certaines entreprises n’hésitent pas à saisir le tribunal de commerce pour contrer leurs concurrents qui utilisent des allégations environnementales trompeuses. Par exemple, Materne avait reproché à Andros l’allégation sur la recyclabilité de ses gourdes de compote [Article de presse, 18 novembre 2020]. Plus récemment, en Espagne, l’électricien Iberdrola a accusé le pétrolier Repsol de concurrence déloyale en se présentant comme un champion de la transition énergétique [Article de presse, 26 mars 2024].
L’avis de Clémentine Baldon, avocate spécialisée
Clémentine Baldon est avocate au barreau de Paris, spécialisée en droit européen, droit de la concurrence et droit de l’environnement. Elle accompagne des associations et des entreprises dans leurs actions en faveur de la transition. Elle est pionnière dans les actions contentieuses pour des associations de consommateurs et de défense de l’environnement visant des pratiques de greenwashing d’entreprises.
« En tant qu’avocate, je travaille sur le greenwashing depuis près de cinq ans et, sur ce temps, j’ai déjà observé des évolutions majeures :
- d’un côté les allégations environnementales se sont généralisées créant une méfiance croissante chez les consommateurs envers les discours “verts” des entreprises ;
- de l’autre, en réponse à cette tendance, le greenwashing est de plus en plus scruté et dénoncé par les associations et fait l’objet d’une réglementation qui devient chaque jour plus contraignante. Les entreprises ne peuvent plus l’ignorer.
Dans ce contexte de défiance généralisée, de complexification législative et de judiciarisation du greenwashing, les acteurs doivent monter en compétence sur ces sujets.
Il devient essentiel pour les entreprises qui veulent communiquer sincèrement sur leurs actions de se former, de comprendre les enjeux de la communication responsable à la fois pour limiter leurs risques juridiques et réputationnels mais aussi en interne pour mobiliser leurs équipes. »
Lire l’interview complète de Clémentine sur mon blog : https://mathieu-jahnich.fr/blog/clementine-baldon-mettre-lexpertise-juridique-au-service-de-linteret-general
Formez-vous avec nos Master Class Greenwashing
Clémentine et moi avons lancé début 2024 deux formations dédiées au greenwashing, au cadre législatif et aux risques pour les organisations. Le nombre de places est limité à 20 personnes par session. N’hésitez pas à vous inscrire ou à transmettre l’information à votre entourage.
Master Class Greenwashing / Session pour les équipes communication et marketing.
Vous souhaitez être plus autonome et plus confiant·e dans votre capacité à manier les allégations environnementales, en réduisant les risques de greenwashing ? Cette formation vous permettra de saisir le cadre déontologique et réglementaire et de comprendre la mécanique du greenwashing.
- Prochaine session : mardi 19 novembre 2024 de 13h30 à 16h30 en visio.
- Tarif : 300 € HT/TTC par personne.
- Programme, avis et inscription : https://www.master-class-communication-responsable.fr/programme/master-class-greenwashing-session-equipes-communication-et-marketing/
Master Class Greenwashing / Session pour les équipes juridiques.
Loi AGEC, loi Climat & Résilience, Décrets “neutre en carbone” et “compensation carbone”, décret “recyclable”, révision de la Directive sur les pratiques déloyales et bientôt Directive “green claims”… Comment s’y retrouver dans ce foisonnement législatif ? Quelles sont les obligations actuelles et à anticiper ? Quels sont les risques concrets et les sanctions ?
- Prochaine session : mardi 26 novembre 2024 de 13h30 à 16h30 en visio.
- Tarif : 300 € HT/TTC par personne.
- Programme, avis et inscription : https://www.master-class-communication-responsable.fr/programme/master-class-greenwashing-session-equipes-juridiques/