Julien Massiot

Julien Massiot : ne pas laisser le monopole du cool aux greenwashers

Pour ce nouvel épisode de « La #comresponsable en action », j’ai le plaisir de recevoir Julien Massiot, fondateur de l’agence de communication durable Wild&Slow.

« Quel est l’impact sur la planète d’une agence de communication ? Ma réponse est claire : ce sont les millions de gens que nous influençons dans leurs choix, et dans leurs comportements de citoyen ou leurs comportements d’achats. À quoi bon avoir une politique vélo pour ses employés, ce qui influence la vie de 10, 20, 30 personnes, si c’est pour faire une publicité TV pour une marque de Fast Fashion, influençant la vie de millions de personnes. » « Pour moi, la communication durable, c’est avant tout le choix de travailler pour des marques durables ou engagées dans une démarche d’amélioration honnête. » « Clairement, ces marques responsables, souvent un peu trop rationnelles et pédagogiques, ont besoin de communicants qui ont l’art de l’interpellation, de la créativité. Car ces marques, si elles ne veulent pas laisser le monopole du cool aux irresponsables et au greenwashers doivent se rendre vulnérables, nous faire rêver, nous faire danser, nous faire rire. »

Julien Massiot : « ne pas laisser le monopole du cool aux greenwashers »

Bonjour Julien, en quelques lignes, pouvez-vous décrire votre parcours et la fonction que vous occupez actuellement ?

Je suis Julien Massiot, fondateur de l’agence Wild&Slow, communication durable.

Je fais du conseil en communication depuis 12 ans. Je me suis forgé au métier dans des grandes agences nantaises, puis je suis passé à l’entreprenariat il y a 4 ans en co-fondant une première agence avec laquelle on a eu pas mal de succès (beaux clients, trophées, beaux recrutements). Après avoir revendu mes parts en 2020, j’ai eu besoin de partir sur une aventure entrepreneuriale plus personnelle et sur de nouvelles bases : à la campagne, amoureuse de la nature, avec une vision durable claire et assumée.

À quel moment avez-vous « basculé » dans une approche plus responsable de votre métier ? Savez-vous ce qui a provoqué votre prise de conscience ?

Cela s’est fait progressivement mais j’ai eu des vrais déclencheurs dont je me souviens comme si c’était hier. Pour n’en citer que deux, j’ai été confronté au greenwashing sur un sujet lié à l’huile de palme, et j’ai été critiqué pour refuser de ne pas vouloir prospecter des entreprises sur le secteur de l’alcool.

Mes valeurs environnementales et sociales se sont forgées d’un point de vue personnel, et j’ai besoin de cohérence. J’ai une approche authentique du métier, je trouve impensable de le pratiquer sur des projets qui vont à l’opposé de nos valeurs… on ne peut pas être bon si on fait ça. Je trouve également difficile d’aller chercher une âme dans les tripes d’une marque qui a plus de choses à cacher qu’à dire.

Il me semble important de comprendre que notre métier a un pouvoir d’influence, et il nous faut décider de ce à quoi on participe. Vendre des voitures plus grosses ou promouvoir le partage de trajet ? Tout le monde peut choisir, chacun est maître de ce qu’il fait.

Concrètement, comment se traduit votre engagement dans votre activité au quotidien ? Avez-vous le sentiment de faire un métier différent d’avant/des autres ?

J’ai clairement pour ambition de participer à changer notre métier.

C’est d’abord nécessaire car notre métier de communicants a une réputation sulfureuse. Allez dans les écoles d’art, vous verrez que la proportion de jeunes souhaitant travailler dans la pub a diminué, parce qu’ils trouvent parfois ce métier malhonnête. Pour la faire courte :  « vous créez des envies de consommer pour promouvoir des produit dont on n’a pas besoin ». Je comprends parfaitement cette étiquette, on me l’a déjà collée quand j’ai expliqué mon métier à des inconnus !

Pour moi, être engagé c’est avoir le courage de remettre en question la manière de faire ce métier, et de savoir renoncer.

Quel est l’impact sur la planète d’une agence de communication ? Ma réponse est claire : ce sont les millions de gens que nous influençons dans leurs choix, et dans leurs comportements de citoyen ou leurs comportements d’achats. À quoi bon avoir une politique vélo pour ses employés, ce qui influence la vie de 10, 20, 30 personnes, si c’est pour faire une publicité TV pour une marque de Fast Fashion, influençant la vie de millions de personnes.

Pour moi, la communication durable, c’est avant tout le choix de travailler pour des marques durables ou engagées dans une démarche d’amélioration honnête. Bien plus encore que la communication RSE (la communication SUR les engagements), et l’éco-communication (la communication qui diminue son impact écologique), qui sont importantes mais plus en second plan selon moi, pour montrer l’exemple.

Et clairement, ces marques responsables, souvent un peu trop rationnelles et pédagogiques, ont besoin de communicants qui ont l’art de l’interpellation, de la créativité. Car ces marques, si elles ne veulent pas laisser le monopole du cool aux irresponsables et aux greenwashers doivent se rendre vulnérables, nous faire rêver, nous faire danser, nous faire rire.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ? Y a-t-il des idées reçues contre lesquelles vous devez lutter ?

Le principal sujet c’est la capacité à tracer sa ligne tout en restant ouvert. Tracer sa ligne permet de savoir ce qu’on va faire, et ce qu’on ne va pas faire. Donner le bénéfice du doute, rester ouvert, permet de ne pas passer à côté de belles rencontres parce qu’on est trop prosélyte. Une bonne agence durable doit être capable d’intégrer des marques dans un parcours progressif sincère.

À l’opposé, quelles sont les satisfactions que vous trouvez dans votre activité ? Où puisez-vous votre énergie ? Est-ce que vous aimez votre travail/activité et pourquoi ?

Je ne me suis jamais senti autant utile qu’aujourd’hui. Je pense que l’agence répond à un vrai besoin sociétal et de marché, et je le sens vraiment dans les retours que j’ai. Je reçois régulièrement des messages d’encouragement, notamment sur LinkedIn, de personnes qui sont simplement heureuses de voir que ça existe une agence de communication qui revendique un modèle durable. Ça me donne vraiment de l’énergie.

Mais, ma principale satisfaction, alors que Wild&Slow n’existait que depuis 4 mois, a été d’être l’agence de communication la plus sollicitée à un salon d’étudiants en direction artistique. Je me suis simplement dit : nos valeurs ont été comprises et participent à donner espoir aux jeunes qui veulent se lancer dans le métier.

Pouvez-vous nous présenter un ou deux projets/réalisations dont vous êtes particulièrement fier ?

Cet été pour le lancement de Wild&Slow, on a créé une campagne que j’avais envie de faire depuis longtemps : « Vitamines sauvages ». Ce sont de simples panneaux, posés dans les chemins de campagne, à proximité de spots de mûres, de menthe ou de noisettes. On y voit une mention « Prix Imbattable : 0€ » et quelques infos sur les vitamines contenues dans le fruit. Cette campagne part d’un insight simple, qui pour moi est une vraie question sociétale : pourquoi aller acheter une barquette de mûres importées d’Espagne au supermarché, alors qu’il y en a partout dans les chemins autour de chez nous ? Où est passé le lien à la nature qui nous entoure ? Lorsque l’on pense à toutes ces mûres, cerises, fruits 100% naturels qui pourrissent parce que trop peu de gens osent les ramasser. Bref, on avait envie d’éveiller sur ce sujet.

Nous sommes également impliqués dans 2 projets de tourisme durable sur le long terme qui devraient permettre de faire émerger de très belles campagnes ces prochaines années

Pour terminer, avez-vous un conseil à donner ou une idée force à transmettre aux lecteurs de ce blog ?  

J’encourage tout le monde à faire un travail qui soit en phase avec ses valeurs, ça fait du bien, et on se sent utile et en harmonie. Vous avez le choix de votre destin, je vous le promets. Même si c’est inconfortable, même si c’est effrayant, très vite, c’est beau.

Pour suivre l’actualité de Julien : son profil LinkedIn, le site de son agence.

 

La #comresponsable en action

Dans le contexte actuel de remise en question de la filière communication, le cycle d’entretiens « La #comresponsable en action » valorise les professionnelles et les professionnels qui s’engagent dans des pratiques plus responsables. Chez l’annonceur, en agence ou freelance, dans le privé, le public ou le secteur non-marchand, avec une certaine expérience ou un regard neuf… toute la diversité de la filière communication est représentée. Quel a été leur parcours ? Quelles sont les difficultés rencontrées et les sources de satisfaction ? Quels sont les projets dont elles ou ils sont particulièrement fières et fiers ?

Retrouvez sur cette page la liste de tous les témoignages.


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