La puissance des actes quotidiens

À travers sa dernière campagne aux USA, le groupe Procter & Gamble montre son incompréhension des enjeux du marketing responsable. Convaincre le public que les « actes du quotidien », en particulier les actes d’achats de produits de la marque (Gilette, Pantene, Rochas, Always, Dash, Duracell, Pampers…), ont un effet positif « sur nos vies, sur celles de nos familles et sur la vie de notre planète » est insuffisant voire inacceptable.

En guise de vœux pour la nouvelle année, le géant américain des cosmétiques et produits de grande consommation Procter & Gamble a lancé une campagne intitulée « Power of the Everyday » que l’on pourrait traduire par « La puissance du quotidien » :

Alors que la nouvelle année commence, nous soutenons l’idée que les principaux changements dans notre vie ne viennent pas de grandes actions mais de nos actes quotidiens. Les principaux bouleversements naissent de ces moments simples comme une conversation pendant le petit-déjeuner avec votre enfant de 10 ans ou les premiers pas de votre petit dernier. Chez P&G, nous reconnaissons la puissance que ces moments quotidiens ont sur nos vies, sur celles de nos familles et sur la vie de notre planète. Nous appelons cela la puissance de l’effet quotidien (the power of The Everyday Effect).

Dans son article intitulé P&G “Everyday Acts” Campaign: Just Another Recycled Branding Blitz (que l’on pourrait traduire par « Encore une opération de verdissement d’une marque »), pour SustainBrands, Leon Kaye (expert RSE) critique sévèrement cette campagne :

Cette campagne semble entrer en résonance avec les attentes des nombreux clients de la marque. L’appel à célébrer le rôle des actes de la vie quotidienne dans les changements de vie a déjà récolté plus de 663 000 « like » sur la page Facebook. Et le film d’une minute qui accompagne la campagne est magnifique.
Toutefois, alors que nombre des plus grandes marques de la planète travaillent avec leurs consommateurs pour généraliser des usages plus responsables des produits et cherchent à utiliser leur image comme force positive, cette campagne pose question. Et pas seulement parce que la jeune fille ne tire certainement pas sa confiance uniquement du shampoing Pantene, mais d’autres facteurs comme une famille présente, des enseignants motivés, une maison réconfortante.

En effet, en suggérant que l’utilisation « au quotidien » de ses produits, riches en produits chimiques, « peut aider à améliorer la vie sur la planète », P&G s’aventure en zone trouble. Considérant les enjeux sociaux et environnementaux auxquels nous devons faire face, cette campagne rate l’occasion de sensibiliser les consommateurs aux impacts de leurs achats et génère plus de risques que de bénéfices pour la marque.

Alors que certaines multinationales comme Unilever, Microsoft et Nike font tout leur possible pour changer leur manière de faire du business, cette campagne de Procter&Gamble apparaît datée et servant uniquement ses propres intérêts. S’il est vrai que les petits gestes de la vie quotidienne peuvent s’additionner pour faire de réelles différences, ce n’est pas le cas quand il s’agit d’acheter toujours davantage de produits, qui restent conventionnels. Il est vrai que les marques ont le pouvoir de motiver les consommateurs pour faire de belles et grandes choses. Toutefois, celles souhaitant conserver la confiance et la loyauté de leurs clients doivent maintenant aller plus loin que viser l’augmentation des ventes : il s’agit d’offrir aux consommateurs un chemin vers des vies légitimement plus saines et porteuses de sens pour eux-mêmes, leurs communautés et le monde.


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