Le développement durable est un levier pour faire bouger l’entreprise

En exclusivité pour Sircome, Lan Grousseau et Aurélie Wastin nous décrivent « leur » projet de sensibilisation et de mobilisation des 90 000 salariés de l’Assurance Maladie sur les enjeux de développement durable. Il est exemplaire à plusieurs titres : progressivité de la démarche (sensibiliser, impliquer puis mobiliser, du développement durable à la RSO), outils adaptés et adaptables, esprit de concertation, partage des bonnes pratiques…

Lan Grousseau, Aurélie Wastin, je vous remercie d’accepter de revenir sur cette belle campagne interne de sensibilisation sur le développement durable que vous avez conçue et animée de 2008 à 2012. Avant de rentrer dans le vif du sujet, pouvez-vous expliquer aux lecteurs du site Sircome quelles sont vos fonctions respectives et d’où vous vient cette sensibilité particulière au développement durable ?

Je travaille à la direction de la Communication (Dicom) de la Caisse nationale de l’Assurance Maladie depuis 18 ans. Jusqu’à fin 2012, j’étais responsable de l’accompagnement du projet DD/RSO en communication interne et réseau. Aujourd’hui, je suis attachée de direction auprès de notre directrice de Communication.
Au-delà de la prise de conscience universelle, ma sensibilité pour le DD venait tout simplement de mon regard portant sur la vie et le comportement de notre société. Sur le plan personnel, je suis profondément attachée aux valeurs « humaine », « éthique » et « morale». Je les retrouve dans le DD. Elles inspirent mes actions au quotidien et m’ont donné l’envie et la volonté de les traduire dans ma vie professionnelle. Selon moi, seul le DD est capable de révolutionner notre mode de pensées et d’organisation, de décloisonner les structures et d’encourager les démarches innovantes.

Après quatre années d’études en école de communication et une année de spécialisation dans le développement durable, j’ai travaillé entre autre pour la RATP sur la communication interne et la formation au DD, avant de rejoindre l’agence DDB Live, agence de communication d’engagement, où je suis consultante.
Ainée d’une famille nombreuse, j’ai été éduquée avec une vraie conscience de ce que sont la responsabilité et l’égalité. Dans les grandes familles, il faut qu’il y ait de la justice, il faut donner du sens aux décisions qui sont prises. Et j’ai naturellement traduit cela dans ma formation et aujourd’hui dans mon activité professionnelle. Je suis convaincue de l’intérêt d’une communication qui a du sens, qui est utile pour mes concitoyens. J’ai besoin de participer à l’éveil des consciences et j’ai eu beaucoup de chance de pouvoir co-construire ce projet exemplaire avec la Cnamts, de la définition stratégique à sa mise en œuvre opérationnelle et à son évaluation.

Le projet « communication interne développement durable » est une action d’envergure visant à sensibiliser et mobiliser l’ensemble des salariés de l’Assurance Maladie sur les enjeux de développement durable. Comment ce projet est-il né ?

La Convention d’objectifs et de gestion 2006-2009 entre l’État et l’Assurance Maladie a défini les enjeux de développement durable et le Plan cadre 2007-2010 de l’Union des caisses nationales de sécurité sociale (Ucanss) les a déclinés en objectifs pour toute la Sécurité sociale. En septembre 2007, un groupe de travail national et des ateliers thématiques ont rapidement été constitués à la Cnamts. Nous avons démarré très modestement avec un noyau de quatre volontaires : un responsable de la gestion immobilière et son collaborateur, une responsable des RH réseaux et une responsable de la communication (moi-même). Puis l’équipe s’est étoffée jusqu’à la mise en place d’un véritable comité de pilotage.

En parallèle aux ateliers techniques, j’ai engagé la réflexion sur une stratégie de communication interne. Mon idée était d’intégrer la communication dès le lancement du projet afin de fédérer tous les métiers techniques, apporter de la transversalité et, in fine, toucher l’ensemble des 90 000 salariés de l’Assurance Maladie.

Face à cette démarche innovante portant sur le changement de comportement, nous avons lancé un appel d’offre pour la définition d’une stratégie de communication interne DD (2008) puis sur sa mise en œuvre opérationnelle (2009-2012). DDB Live a emporté le marché avec Aurélie en tant que consultante. Finalement, nous avons collaboré sur ce projet pendant plus de 4 ans !

À la lecture des différentes phases et réalisations de cette campagne (cf. l’article « Assurance Maladie : un modèle de campagne interne de communication sur le développement durable »), un fil rouge se dégage, celui de la participation et de la concertation. Comment expliquez-vous cela ? Était-ce un parti-pris volontaire de votre part ?

Il est important de comprendre que la Cnamts a pour rôle de déterminer les orientations stratégiques, fixer les objectifs et préconiser des actions pour toute l’Assurance Maladie et notamment la politique de communication à l’égard de ses publics interne et externe. Charge aux organismes du réseau de les décliner ou de les adapter localement. Nous devions donc susciter l’adhésion des communicants à nos propositions pour relayer la campagne. Pour ce faire, la direction de la Communication s’est appuyée sur un réseau existant, ses correspondants communication régionaux.

Les outils de communication proposés devaient être déclinables au contexte local et au rythme de l’engagement des organismes dans la démarche. Nous voulions que ce soit un plaisir pour les communicants de traiter cette thématique. Ils ont été séduits par ces outils traités sur un ton décalé et ludique. Au fil de la campagne, la Dicom a lancé des enquêtes auprès des communicants. Elles nous ont permis d’adapter en permanence les outils et les messages aux problématiques locales.

Dès le lancement de la démarche, nous avons pris le parti de nous adresser directement à tous les salariés et de nous appuyer sur leur opinion pour faire bouger les lignes. Nous avons bousculé tous les principes de communication transcendante en proposant un premier sondage national à l’ensemble des collaborateurs (soit plus de 90 000 salariés en métropole et outre-mer).

Nous avons effectivement mis en pratique le principe de la « boucle du consensus » : année après année, nous avons proposé des sondages nationaux. Au début, il s’agissait de recueillir les perceptions des collaborateurs sur le développement durable, sur ce qu’ils attendent de leur entreprise, sur le rôle potentiel de la communication pour les aider à mieux comprendre le sujet. Le premier baromètre a ainsi montré que les salariés ne voyaient pas bien le lien entre le DD et les activités de l’Assurance Maladie et cela nous a permis d’affiner notre première campagne d’affichage.
Ensuite, ils ont pu donner leur avis sur les actions effectivement mises en place et sur le passage d’une communication sur le développement durable vers la responsabilité sociétale. Chaque sondage a généré entre 15 et 18 000 réponses, c’est-à-dire beaucoup de matière pour enrichir la démarche et surtout lui apporter une forte légitimité.

Concernant les managers, nous avons conçu et animé une série de quatre ateliers de réflexion sur la thématique diversité : c’est un sujet à l’Assurance Maladie sur lequel nous n’avions pas eu l’occasion de communiquer avant 2011. Nous avons fait intervenir des experts sur certains thèmes spécifiques (comme le port du voile dans le lieu de travail par exemple). Ces ateliers leur ont permis de réfléchir à ce que représente la diversité à l’Assurance Maladie et comment communiquer sur ce thème. Les échanges étaient vraiment très riches.

Ensuite, en parallèle au déploiement des outils de communication sur les enjeux de RSO, nous avons proposées aux DRH (Cnamts et Réseaux) des « fiches dialogue » pour diffusion aux managers. Celles-ci détaillaient les questions que les collaborateurs pouvaient se poser et des éléments de réponse sur la diversité, le handicap, les risques psychosociaux… L’objectif était de leur donner des clefs de dialogue pour les aider à prendre part à la communication RSO locale.
En résumé, notre objectif était d’inculquer une culture développement durable en interne et notre ambition était de faire en sorte que ses principes soient intégrés dans notre Projet d’entreprise, pas d’en faire un argument de vente pour améliorer notre image. Par la suite, nos résultats nous permettront de communiquer en externe.

Le plan de communication s’est achevé en décembre dernier, quel en est le bilan ? Quelles ont été les principales difficultés à surmonter ?

Le point fort de cette campagne est d’avoir réussi à mettre en place une communication structurée dans le temps, sur le développement durable puis la responsabilité avec une montée en puissance et une implication progressive de l’ensemble des collaborateurs.

En 2008, nous avons amorcé la dynamique dans un esprit de concertation avec le sondage national qui a récolté 18 000 réponses. En 2010, nous avons diffusé des outils et encouragé les échanges avec le site macomdd.com dédié aux acteurs du développement durable. Cette plate-forme a rencontré un véritable succès : jusqu’à 500 utilisateurs, 400 contributions en deux ans, 260 communicants impliqués. Nous avons achevé le plan d’actions en 2012 avec l’organisation des Trophées de la RSO : en valorisant les projets du réseau, nous démontrons que le développement durable est entré dans la conscience collective.

Autre signe du succès rencontré par la campagne : la convention nationale. La première a été initiée fin 2007 : c’était le début de l’aventure. Nous avions le sentiment d’être les pionniers d’une révolution interne. L’édition 2012 a fait la part belle aux initiatives du réseau. C’est une réelle satisfaction.

Par ailleurs, nous avons senti un essoufflement sur la communication environnementale. Nous avons donc relancé la dynamique avec les aspects sociaux en abordant les thèmes liés à la responsabilité sociétale. Les salariés ont compris que l’engagement RSO avait des répercussions concrètes sur leurs conditions de travail. C’est formidable et j’en suis très contente : l’humain est enfin au cœur de nos actions.

Pour parvenir à de tels résultats, nous avons dû relever de nombreux défis :

  • Dans le contexte de restriction budgétaire actuel, que connaissent toutes les grandes institutions comme la nôtre, il a été difficile de lancer le second marché pour la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie de communication définie par DDB Live. Il nous a fallu prouver que les actions proposées avaient un retour sur l’investissement. L’enquête auprès des communicants sur l’utilisation des messages et des premiers outils a été utile pour cela.
  • Recevoir le feu vert pour lancer un baromètre annuel auprès des 90 000 salariés sur le développement durable était un véritable challenge. La Cnamts n’avait jamais demandé leur avis en direct. Des sondages existaient mais ils étaient adressés aux directeurs ou aux managers, ciblés sur un métier ou un process. Le taux massif de réponses prouve que les collaborateurs étaient en attente d’une telle action de gouvernance.
  • La création de la plate-forme « macomdd.com » a été une révolution en matière de communication interne. Il a fallu batailler pour faire accepter l’idée d’un outil collaboratif et performant dédié à une communauté restreinte de collaborateurs (en l’occurrence, les communicants impliqués dans le projet). Nous avons rapidement créé une frustration chez les autres acteurs et l’ouverture de cette plate-forme aux autres métiers impactés par la démarche, a favorisé l’augmentation du nombre d’utilisateurs.
  • La communication interne sur les enjeux sociaux et sociétaux n’a pas été facile parce que ce sont des thèmes habituellement traités et pilotés par les responsables des ressources humaines. La communication RH (handicap, seniors…) a été amorcée fin 2011, en lien avec la RSO. Un comité de pilotage spécifique, avec les RH, a été mis en place sur ces sujets.

Cette campagne était centrée sur la démarche de responsabilité de l’Assurance Maladie. Comment ces enjeux ont-ils été traduits dans votre activité ? Autrement dit, vos actions de communication étaient-elles éco et socio conçues ?

Tout à fait. En matière de gouvernance, comme cela a été dit plus haut, nous avons choisi de nous appuyer dès le départ sur les perceptions et les attentes des collaborateurs (salariés, communicants, managers) pour concevoir et évaluer nos actions.

Sur le plan des messages, nous avons été très vigilantes relativement aux contenus que nous proposions aux membres du réseau et dans les actions qui étaient réalisées localement puis postées sur la plate-forme. Il fallait écarter tout risque de greenwashing ou de socialwashing.

Concernant les supports, nous avons proposé la première campagne d’affichage en deux versions : une version classique (aplats de couleur) et une version éco-conçue (sur fond blanc). L’enquête auprès des chargés de communication a montré que la seconde version était moins utilisée car jugée moins impactante visuellement. Par conséquent, pour les campagnes suivantes, nous avons travaillé sur la dématérialisation des supports (diaporama à projeter sur un écran plat) et des formats d’affiche plus petits (ce qui répond aussi à des contraintes d’emplacement).

Nous avions également un rôle de conseil auprès des communicants locaux : faire appel à des prestataires locaux ou aux ESAT (établissement ou service d’aide par le travail qui permettent à une personne handicapée d’exercer une activité dans un milieu protégé), acheter « responsable »… Par exemple, nous avons édité un catalogue de goodies éco-conçus pour assurer une cohérence globale entre les différentes actions de communication des organismes de l’Assurance Maladie.

Pour terminer, pouvez-vous nous dire quelques mots de vos projets et enjeux pour les mois à venir ?

Aujourd’hui, nous continuons à faire des piqures de rappel sur les comportements vertueux en s’appuyant sur nos supports de communication (rubrique dédiée dans le magazine à destination des managers, numéro spécial annuel du magazine interne, newsletter des communicants…) et nos événements récurrents (semaine du développement durable, semaine pour l’emploi des personnes handicapées et, depuis 2013, semaine de la qualité de vie au travail).

Nous sommes en train de développer un réseau sur la communication RH en vue d’une prise de parole en interne en 2013 sur plusieurs thèmes comme l’expérimentation du télétravail, la prévention des risques psycho-sociaux et la promotion de l’égalité homme-femme. Enfin, nous préparons une communication externe sur la responsabilité sociale de l’employeur en 2014. De belles perspectives !

Pour en savoir plus sur les outils déployés dans le cadre de cette campagne de sensibilisation, découvrez l’article « Assurance Maladie : un modèle de campagne interne de communication sur le développement durable ».


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