L’électrique sans aucune limite

En promouvant l’image d’une consommation d’énergie « sans limite », fut-elle électrique, le constructeur automobile Toyota est en contradiction avec les objectifs nationaux et internationaux de sobriété énergétique. Cette publicité ne respecte pas les règles déontologiques de la profession.

Diffusée sur les chaînes de télévision française courant mars, cette publicité a forcément reçu un avis favorable de l’Autorité de régulation professionnelle (ARPP). Même si l’argument écologique n’apparaît pas explicitement, elle aurait dû être analysée au regard de la Recommandation Développement durable et au prisme des enjeux de la transition. Je viens donc de déposer plainte auprès du Jury de déontologie publicitaire.

 

Publicité « L’hybride Toyota, l’électrique sans aucune limite »

Ce film publicitaire montre différents véhicules de la marque Toyota qui circulent dans un espace urbain. Le discours en voix off est le suivant : « En plus de 20 ans, nos 15 millions de conducteurs ont fait de Toyota la marque qui a parcouru le plus de kilomètres en électrique. Et ce, sans jamais avoir eu besoin de se brancher. C’est maintenant à vous d’en faire partie. L’hybride Toyota, l’électrique sans aucune limite. ». À la fin du spot, l’argument apparaît à l’écran : « L’hybride Toyota, l’électrique sans aucune limite ».

Lorsqu’on cherche à avoir plus d’information sur le site web de la marque, on arrive sur une page dédiée intitulée « L’hybride Toyota, l’électrique sans aucune limite », clairement associé à la publicité audiovisuelle. L’argumentaire suivant y est présenté : « L’hybride Toyota est une hybride électrique : pas besoin de la brancher, votre Toyota Hybride est totalement autonome. La batterie se recharge toute seule durant les différentes phases de conduite vous permettant d’effectuer plus de 50% de votre temps de trajet en électrique. Avec Corolla, vous pouvez même augmenter ce temps jusqu’à 68% ! Vous n’aurez donc jamais besoin de chercher des bornes de recharge. »

Cette publicité ne respecte pas les règles déontologiques

L’argument « totalement autonome » laisse accroire que le véhicule a une autonomie énergétique qui n’existe pas (tout déplacement sur Terre nécessite un apport énergétique pour se déplacer d’un point A à un point B).

Cet argument, conforté par l’affirmation « La batterie se recharge toute seule » laisse à penser que la source d’énergie électrique est inépuisable… Or la batterie est rechargée grâce au moteur thermique et un dispositif de récupération d’énergie cinétique au freinage – le moteur thermique consommant des hydrocarbures particulièrement émetteurs en gaz à effet de serre.

L’argument « l’électrique sans aucune limite » exprime clairement la possibilité d’utiliser de l’énergie électrique sans aucune difficulté, qu’il s’agisse de son approvisionnement ou des impacts qui pourraient être associés à sa production et son usage (impacts sur l’environnement, le climat). Cela est contraire aux politiques françaises et européennes en matière de sobriété énergétique et de politique climatique.

L’image d’une consommation d’énergie « sans limite », fut-elle électrique, est totalement contraire aux objectifs nationaux et internationaux de maîtrise de l’énergie et de sobriété énergétique. Cette notion de « sans limite » est particulièrement grave en terme de message destiné au grand public : elle s’oppose aux principes même de limite de la biosphère, tant en matière de limitation des ressources naturelles et énergétiques qu’en matière de limites supportables par la biosphère (consommation de ressources, pollutions des sols, air et eaux, émissions de gaz à effet de serre et réchauffement climatique…). Les politiques publiques prônent le développement d’une sobriété de nos modes de vie (déclaration du Premier Ministre 23 avril 2018) et d’une meilleure consommation. La production d’énergie, quelle qu’elle soit, a des impacts sur l’environnement. Il s’agit donc pour la puissance publique d’insister sur la maîtrise – et donc la limitation – des consommations d’énergie, en particulier dans les domaines des transports.

Par conséquent, cette publicité ne respecte pas les points suivants de la recommandation Développement durable de l’ARPP :

  • Point 2 – Proportionnalité des messages. Le message ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif.
  • Point 6 – Vocabulaire. Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit. Ils ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit.
  • Point 9 – Impacts éco-citoyens. La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable.


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