Marie Clerc : L’équilibre entre idéal environnemental et efficacité de la communication

Atemia est un bureau d’études, de conseils et de formation dédié au développement durable des secteurs loisirs, culture, tourisme et évènement, dont Marie Clerc est l’un des dirigeants. Son témoignage illustre comment l’intégration des enjeux de responsabilité guide à la fois leur manière de concevoir et conduire les missions auprès de leurs clients et le fonctionnement propre de leur entreprise et comment ces deux aspects se nourrissent mutuellement. Par ailleurs, en matière de communication responsable, Marie revient sur cet équilibre délicat entre un idéal environnemental et un outil ou une stratégie de communication qui atteindra ses objectifs.

Marie Clerc, vous êtes Directrice de la communication / RSE & Chef de projets du bureau d’études Atemia. Avant de parler de votre activité et de votre positionnement, pouvez-vous nous décrire votre parcours ?

Mon parcours a débuté à Lyon en 2003 au sein de l’Idrac, école supérieure de commerce que j’ai terminée avec une spécialisation en Communication. Ces 4 années m’ont permis d’appréhender les entreprises au cours de plusieurs stages que j’ai orientés vers le secteur du développement durable (énergies renouvelables, coopération internationale, sensibilisation à l’environnement). Afin d’ancrer un peu plus mon parcours dans le développement durable, j’ai poursuivi mon cursus à l’Université de Cergy Pontoise en 2008 avec un Master 2 « Sciences de l’environnement, milieux urbains et industriels », spécialisé dans la communication environnementale. J’ai pu, lors de cette dernière année, approfondir des thématiques plus spécifiques, comme l’éco-conception. Ce fut aussi l’opportunité de clore mon parcours par un stage de 6 mois effectué au Québec au sein de l’ONG Equiterre.

Petite parenthèse, au cours de votre formation, en 2008, vous avez fait un stage longue durée au Canada, au sein de l’ONG Equiterre. Quel souvenir en gardez-vous sur un plan professionnel ? La communication responsable était-elle un sujet de réflexion et d’action ?

Les relations entre le secteur associatif et les secteurs privés/publics sont assez différentes de ce que j’ai pu découvrir en France. Les passerelles et les échanges de compétences entre ces secteurs y sont plus nombreux (ex. bénévolat de compétences, partenariat, mécénat…). Je garde également un souvenir de grand professionnalisme au sein de l’ONG Equiterre, notamment au niveau de l’équipe de communication. Le service de communication mène des campagnes à part entière visant à sensibiliser le grand public au développement durable et apporte également ses compétences aux différents services (ex. transport, consommation responsable, énergie…) pour des campagnes de communication ponctuelles. La réflexion sur les outils de communication intégrait toujours les principes d’une communication éco-responsable (ex. optimisation des volumes, données non obsolètes, utilité du support…).

Atemia est un bureau d’études, de conseils et de formation dédié au développement durable des secteurs loisirs, culture, tourisme et évènement. Pouvez-vous nous présenter quelques réalisations marquantes, en particulier en matière de stratégie Développement durable/RSE ?

Nous intégrons la RSE, d’une part dans les objectifs de l’étude, et d’autre part dans la manière de conduire les missions. A titre d’exemple, nous avons accompagné, dans le Pas-de-Calais, la commune de Loos-en-Gohelle (ville pilote du développement durable) dans une stratégie d’interprétation de sa trajectoire : d’un passé minier à une politique de développement durable. L’outil final (7 sentiers d’interprétation pourvus de mobiliers et accompagnés d’une application smartphone) permet de découvrir des réalisations concrètes en faveur du développement durable (éco-quartier, voie verte, gestion publique des eaux de pluie…) et d’échanger des compétences en la matière (ex. voyage d’étude thématisé). C’est un enrichissement mutuel : la commune a souhaité que le visité en apprenne autant que le visiteur. Pour la mise en œuvre, nous avons travaillé avec les acteurs du territoire directement concernés par le projet et disposant des connaissances locales. C’est donc avec les habitants et l’équipe municipale que nous avons co-construit le projet d’interprétation : tracés des parcours, sélection des points d’intérêt, test des parcours, relecture et validation des textes… C’est une nouvelle façon de donner à la lire les engagements d’une collectivité.

Nous accompagnons également les institutions, les entreprises et les collectivités à la prise en compte du développement durable dans leur métier et leur fonctionnement. Nous travaillons ainsi avec le musée du quai Branly à l’éco-conception de ses expositions. Cet accompagnement passe par un audit des pratiques actuelles, puis à une réflexion en étroite collaboration avec les équipes de l’institution.
Autre exemple, nous avons travaillé avec le Parc naturel régional du massif des Bauges, en Savoie, à la définition d’une stratégie de développement durable interne. Afin d’aboutir à un résultat partagé et réaliste, tout au long de l’étude, des ateliers créatifs ont été organisés avec l’ensemble des salariés.

Plus spécifiquement sur la communication, quels sont les enjeux que vous devez relever, les problématiques auxquelles vous devez faire face ? Percevez-vous une évolution dans le temps ? Pouvez-vous là encore nous donner quelques exemples précis ?

Les maîtres d’ouvrage qui souhaitent travailler avec nous, manifestent très souvent la volonté d’inscrire les projets en faveur du développement durable. Une fois engagés dans la conception du projet, il nous faut garder le cap et ne pas céder à certains facteurs qui ont tendance à reléguer le développement durable au second plan : délai et coût de réalisation, aspect novateur et donc non testé des solutions, chamboulement des habitudes… Bien souvent, nous devons trouver un équilibre entre un idéal environnemental et un outil/une stratégie de communication qui atteindra ses objectifs.

Les messages portés par nos projets sont en faveur du développement durable et local. Nous avons pour notre part à convaincre de la cohérence nécessaire entre le contenant, sa mise en œuvre et le contenu.

Ainsi, pour communiquer sur un territoire et ses richesses, nous avons tout intérêt à impliquer les habitants et associations qui le vivent et l’animent au quotidien. Cela passe notamment par des phases participatives qui enrichissent grandement le projet et permettent à tout un chacun de se l’approprier (exemple de Loos-en-Gohelle cité précédemment). Une méthode qui est de plus en plus appréciée et sollicitée.

Nous nous rendons également compte que les critères d’éco-conception ne peuvent être intégrés en cours, voire en fin d’étude. Ils sont dans ces cas synonymes de coûts supplémentaires et de défis techniques très compliqués. Les choix d’éco-conception doivent être effectués dès le départ pour être réalistes. Ainsi, si nous choisissons des matériaux éco-conçus plus onéreux, nous allons réfléchir aux besoins réels en terme de quantité par exemple et essayer de réaliser le projet avec une plus-value environnementale tout en respectant le budget initial. A titre d’exemple, la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports, de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations (DRJSCSPP) de Rhône-Alpes, a doté ses 8 antennes départementales d’un kit de communication et sensibilisation au développement durable à mettre à disposition des organisateurs de manifestations sportives (1 exposition photos de 6 bâches et 3 kakemonos). La DRJSCSPP a ainsi mutualisé les besoins en réfléchissant à un kit à prêter, tout en optant pour des matériaux respectueux de l’environnement novateurs et plus onéreux qu’un support classique (toile fabriquée en Rhône-Alpes à partir de bouteilles recyclées). En terme de conception, les contenus ont été rédigés afin de pouvoir s’adapter aux différents organisateurs et de ne pas présenter de données obsolètes. La mutualisation et la mixité d’usage représentent des axes de travail forts pour nous. Lors d’un projet d’interprétation par exemple, nous pensons à des mobiliers adaptés aux touristes et aux habitants qui fréquentent les lieux. Une aire de jeu et pique-nique sera ainsi utilisée par les touristes le week-end et en période de vacances, et le reste du temps par les habitants si le mobilier a été conçu selon leurs besoins.

Il faut rester réaliste, car les choix de conception responsable effectués en amont ne trouvent pas toujours écho lors de l’étape de réalisation : matériaux écologiques limités, fabricants ne souhaitant pas sortir des productions classiques… Bien que l’on assiste à l’apparition de matériaux et procédés intéressants, il me semble que c’est lors de la réflexion sur l’objectif du projet et sa durabilité dans le temps que la différence peut être faite. Concernant ce dernier point, je constate que les maîtres d’ouvrage pensent de plus en plus en amont à la vie future du support : sa pérennité dans le temps, son actualisation… Penser au cycle de vie du projet et de ses supports constitue une évolution dans notre secteur.

Marie, cela fait maintenant trois ans que vous travaillez au sein d’Atemia. Vous en êtes même l’une des associées et vous participez directement à la stratégie de la société. Dans votre rapport annuel 2011, Atemia se présente comme « un modèle de l’entreprise profondément alternatif ». Quelle en est la traduction concrète ? J’imagine que cela explique votre attachement à cette entreprise…

Dès la création de l’entreprise en 2004, Jérôme Caviglia, son fondateur et directeur général, a souhaité en faire une entreprise citoyenne créatrice de richesses autres que monétaires. En premier lieu, nous travaillons sur notre propre fonctionnement, à travers une charte de responsabilité sociale et environnementale en perpétuelle évolution qui vient cadrer notre quotidien. En plus des éléments classiques concernant les achats responsables, les économies d’eau et d’énergie… voici quelques axes qui reflètent notre modèle entrepreneurial : nous encourageons le télétravail, d’une part pour réduire les déplacements et d’autre part pour permettre aux collaborateurs de conjuguer au mieux vie privée et vie professionnelle ; en ce sens, nous favorisons également la flexibilité du temps de travail ; notre argent est géré par le Crédit Coopératif et la NEF, des sociétés coopératives de finances solidaires ; nous avons choisi un fournisseur d’électricité verte (Enercoop) ; et enfin, nous favorisons les produits recyclés et de seconde main pour nos mobiliers de bureau avec des cloisons en carton recyclé et des mobiliers artistiques de récupération (Woodstock création).

Nous avons peu de « productions » en interne, étant une entreprise de service, mais tentons en permanence d’innover lorsque nous devons produire des supports. Nous imprimons ainsi tous nos supports, ne présentant pas de caractères obsolètes, sur des bâches écologiques qui nous permettent de tester différents matériaux que nous utiliserons éventuellement pour nos clients. Pour nos rapports d’activité, nous réfléchissons chaque année à une façon d’allonger sa durée de vie : en 2011 un rapport-poster, en 2012 un rapport-calendrier perpétuel

Nous reversons également 1% de notre chiffre d’affaires à des associations de protection de l’environnement, via l’alliance 1% pour la Planète. En effet, pour les impacts sur lesquels nous ne pouvons pas concrètement agir, nous mettons une partie de nos gains économiques à disposition des acteurs qui œuvrent en ce sens. En 2013, avec un don de plus de 4000 € nous accompagnons Les Triandines (jardinage biologique et insertion sociale), La Monnaie Autrement (monnaie locale et sociale) et l’association Tchendukua (sauvegarde de la culture des Indiens Kogis).

Enfin, il nous semble également important de pouvoir donner de notre temps à ces associations en pratiquant du bénévolat de compétences en fonction de leurs besoins. Nous accompagnons ainsi les Triandines dans leur stratégie de communication et dans la conception de supports. Ces échanges associations-entreprises sont mutuellement enrichissants et nous les encourageons en participant à des clubs d’entreprise thématiques tel que celui pour la Montagne et son Développement Durable (CEM2D).

Nous travaillons au quotidien à la réalisation de projets en faveur du développement durable. Je trouve donc très important, qu’en interne, nous fassions notre possible pour porter ces valeurs. La démarche est stimulante et le résultat est épanouissant.

Comment cet engagement est-il traduit en arguments de réassurance vis-à-vis de vos prospects et clients ? Est-ce un sujet récurrent de discussion avec eux ?

Je pense que le don annuel au 1% pour la Planète (9 000€ depuis 2004) atteste du sérieux de notre engagement. C’est un montant non négligeable et sa traduction économique est assez parlante auprès de nos clients.

Nos engagements internes participent également directement à notre positionnement. Ils assurent à nos clients une cohérence entre nos préconisations et leurs attentes. Les réflexions que nous menons au quotidien sur la responsabilité sociale et environnementale de notre entreprise, sont souvent mutualisées dans le cadre de réflexion sur des projets externes. Même si le contexte est différent, comment conseiller le Parc naturel régional du Massif des Bauges dans sa stratégie de développement durable interne, si nous n’affichons pas nous-mêmes une volonté en ce sens pour notre structure ?

Nos centres d’intérêt personnels (protection de l’environnement, solidarité…) nous sont directement utiles pour la mise en œuvre de certains projets et nous permettent de rapidement maîtriser les thématiques et les enjeux : scénographie d’une Maison du Développement Durable, exposition sur le changement climatique en haute montagne, accompagnement des évènements éco-responsables…

Notre engagement et nos valeurs participent directement à notre sélection pour certains clients. Notre positionnement fait souvent l’objet de questionnements et de curiosité de la part de nos clients.
C’est une bonne chose, puisque nous avons également comme objectifs de promouvoir le 1% pour la Planète en « recrutant » de nouveaux membres.

Justement, au sujet du mouvement « 1% pour la planète », à quel moment cette adhésion a-t-elle été décidée ? Qu’est-ce que cela implique concrètement ? Y a-t-il des échanges avec les équipes françaises du mouvement et, si oui, sous quelles formes ?

En 2004, nous avons été parmi les premiers membres français à s’engager avec le 1% pour la Planète. Cela implique un don annuel dont le montant équivaut à 1% de notre chiffre d’affaires. L’engagement va en effet plus loin que le don financier. Nous faisons partie d’un réseau d’entreprises et d’associations qui partagent des valeurs communes. Pour donner vie à ce réseau et permettre d’autres échanges, nous participons à des rencontres ponctuelles. Ces rencontres permettent notamment de lever les barrières existantes entre les secteurs privés et associatifs et donnent alors lieu à des échanges très riches. C’est également une occasion d’échanger avec d’autres entreprises sur leurs engagements, leurs bonnes pratiques, leurs difficultés et ainsi de faire évoluer notre stratégie. Nous aimerions aller plus loin avec ces entreprises en créant des circuits économiques alternatifs par exemple.

En passant, que pensez-vous de leur dernière campagne d’affichage ?

C’est une campagne que nous soutenons largement et qui illustre tout à fait notre engagement au 1% : une fois que nous avons optimisé notre impact, mettons l’énergie et l’argent au bon endroit pour aller plus loin. Apportons une plus-value en utilisant notre structure économique et ses outils à des fins véritablement utiles.
Le 1% pour la Planète dispose aujourd’hui d’une antenne en France, qui a notamment vocation à animer le réseau national. Nous avons besoin de ce soutien et de ces outils de communication pour promouvoir le réseau et notre engagement.

Merci Marie de nous avoir consacré un peu de votre temps. Les personnes intéressées peuvent vous contacter par mail ou par téléphone au 04 79 65 24 07. Bonne route ;-)


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