Préservons la Terre, c’est la seule planète où il y a du chocolat

Alpro est une entreprise agroalimentaire du groupe Danone qui commercialise des produits d’origine végétale. La campagne d’affichage en cours a attiré mon attention. Elle valorise les atouts intrinsèques de ces produits dans la lutte contre le changement climatique ainsi que les efforts de la marque pour réduire son empreinte environnementale. Les slogans sont bien trouvés, ils font sourire… mais certains sont abusifs et induisent le public en erreur.

Aider la planète, ce n’est pas la mer à boire, juste du lait d’amande

Voici les arguments présentés par Alpro dans cette campagne. À chaque fois la même conclusion : « C’est bon ça ! », comme une réaction à un bon jeu de mot et bien sûr à la qualité gustative du produit.

  • « Préservons la Terre, c’est la seule planète où il y a du chocolat » et en petit en bas « Prenez des boissons végétales. Diminuez l’impact carbone de leur fabrication de -35% en 10 ans. Puis recommencez »
  • « Savourez sans mettre la planète à l’amande » et en petit en bas : « Nos amandes poussent sous le soleil de Méditerranée et s’hydratent majoritairement à l’eau de pluie »
  • « Des boissons végétales très gourmandes, sauf en CO2 » et à nouveau « Prenez des boissons végétales. Diminuez l’impact carbone de leur fabrication de -35% en 10 ans. Puis recommencez »
  • « Aider la planète, c’est pas la mer à boire, juste du lait d’amande » et à nouveau « Nos amandes poussent sous le soleil de Méditerranée et s’hydratent majoritairement à l’eau de pluie »

Les arguments sont bien trouvés et font sourire, mais… deux sur quatre ne respectent pas la Recommandation DD de l’ARPP.

Certains arguments publicitaires ne respectent pas les règles déontologiques

Dans la presse spécialisée (ici ou ), Laure Mahé, Directrice générale d’Alpro France, précise à juste titre : « Face à l’urgence climatique, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est grand temps de faire bouger les choses et quand on sait que près d’un quart de l’empreinte carbone des foyers français est issu de l’alimentation, il est clair que chacun à son niveau peut agir et apporter sa contribution par un simple coup de fourchette. La consommation de recettes végétales, qui disposent d’une empreinte environnementale plus faible, fait partie d’une des réponses pour agir vite et bien. Et c’est toujours plus simple si cela se fait avec toujours autant de plaisir à la dégustation. »

Indiscutablement, la consommation de produits d’origine végétale peut être un levier efficace pour « contribuer » à la lutte contre le changement climatique. Mais deux arguments publicitaires de la campagne ont une portée beaucoup plus large et ne respectent pas les règles déontologiques en vigueur.

1- L’argument « Sans mettre la Terre à l’amande » traduit la notion d’absence totale d’impacts négatifs associés à la consommation du produit. Si les impacts sont moindres que d’autres produits à base de lait de vache par exemple, il est trompeur de laisser croire au public qu’il n’y en a aucun.

Cet argument contrevient donc au point 3 de la Recommandation Développement durable sur la « proportionnalité des messages » : « Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif »

2- L’argument « Préservons la Terre » laisse accroire que la consommation de cette boisson végétale goût chocolat-noisette serait un geste protecteur, un écogeste, ce qui est abusif. Les efforts de l’entreprise pour réduire l’impact carbone du produit (-35%) sont intéressants, mais ils ne signifient pas l’absence totale d’impact et, par ailleurs, la « préservation de la planète » ne doit pas être analysée au seul filtre de l’indicateur carbone.

« La seule planète où il y a du chocolat »… La culture du cacao est un « désastre écologique et humain » : « Déforestation, travail forcé des enfants, plantations hydrovores et grande précarité des producteurs, la culture du cacao a un goût amer pour les petits maillons de la chaîne face aux géants industriels peu scrupuleux et aux consommateurs occidentaux capricieux ».

Tant sur le visuel que sur le site web de la marque, nous n’avons aucune information sur le sourcing du cacao. J’ajoute qu’il existe sur le marché des alternatives bio et équitables, comme par exemple la boisson « riz, quinoa, cacao » proposée par la marque Alter Eco.

Finalement, cet argument contrevient aux points 2 et 3 de la Recommandation Développement durable respectivement sur la « véracité des actions » (« La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ») et sur la « proportionnalité des messages » (« Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif »).

Comme d’habitude, je vais signaler ces publicités au Jury de Déontologie Publicitaire.

Le rôle de l’agence conseil en question

En lisant les discours de la DG dans les médias ou les réseaux sociaux, j’ai le sentiment qu’elle a bien conscience des atouts environnementaux des produits de la marque mais aussi de leurs limites. Ses prises de paroles soulignent le moindre impact des produits mais restent mesurées.

C’est la traduction de ces atouts en arguments publicitaires qui pose problème. Il est dommage qu’une grande agence comme Fred & Farid ne soit pas davantage sensibilisée aux enjeux de communication plus responsable.

Je ne sais pas si cette même agence est chargée de la production des contenus pour le site web, mais une lecture rapide met en évidence des arguments abusifs et trompeurs.

Des contenus sur le site web qui induisent le public en erreur

Sur son site web, la marque présente les atouts des protéines et ingrédients d’origine végétale et les actions mises en place pour réduire l’empreinte environnementale de leur activité : approvisionnement local, soja d’Europe ou du Canada (« ainsi, il est garanti sans OGM et ne provient pas de zones déforestées »), amandes méditerranéennes (« elles n’ont donc que peu de chemin à faire pour vous retrouver »), irrigation majoritairement à l’eau de pluie, transport par bateau…

Tout cela est louable et doit être valorisé. Toutefois, plusieurs éléments de langage sont de nature à induire le public en erreur et traduisent un manque de maturité de la marque/de l’agence sur les enjeux de communication plus responsable :

  • Pour commencer, intituler la rubrique « Bon pour la planète » est clairement abusif et traduit une posture « triomphaliste », une absence de modestie par rapport aux enjeux, à la portée des actions mises en place et aux marges de progression (sur le sourcing de produits bio et équitables par exemple).
  • « On s’engage à faire au mieux pour la préserver : on a par exemple entrepris une démarche de certification B-Corp, et on l’a menée à bien avec succès. »  » *Il s’agit d’une norme internationale indépendante qui certifie l’engagement RSE d’une entreprise. » Attention, ce n’est pas vrai, B Corp n’est pas une « norme internationale » comme l’ISO 26000. La démarche B Corp est pilotée par un organisme privé qui présente un certain nombre d’intérêts mais soulève aussi des critiques et des interrogations.
  • « Le petit pas pour la planète qui marche » « Si on vous dit que manger = la solution ». Et bien non, l’alimentation est un des leviers importants de lutte contre les changements climatiques mais pas le seul.
  • Le dernier point concerne l’argument « utiliser des ingrédients issus de l’agriculture régénératrice« . Vigilance ! Les géants de l’industrie agroalimentaire comme Danone, Syngenta ou Coca-Cola affirment s’engager dans cette voie, sans toutefois chercher une certification officielle (comme celle proposée par Ecocert).

 


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