Retour sur une campagne discutée par le BVP

Le Syndicat mixte de collecte et de traitement des ordures ménagères (Smictom) des Châtelets (Côtes d’Armor), en proie à une augmentation constante de la quantité de déchets produits par les ménages, a mené en avril 2008 une campagne publicitaire de réduction des déchets. Cette campagne fut qualifiée de « non-diffusable » par le BVP, association de professionnels pour une publicité responsable. Les raisons avancées par le BVP sont-elles compatibles avec la nécessité d’un développement plus durable de notre société ?

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Une campagne pour changer les modes de vie

Le SMICTOM des châtelets, en Côtes d’Armor, a la charge de la gestion des déchets de 136 000 habitants répartis sur 36 communes. Chaque année, la proportion de déchets à traiter augmente du fait de la croissance démographique et de l’évolution des modes de vies. Aujourd’hui les habitants français produisent 360 kg par an d’ordures ménagères chacun, soit 12,5 % de plus qu’il y a dix ans (source : dossier de presse du SMICTOM sur la campagne d’affichage).

Dans une perspective de réduction de ces déchets, le SMICTOM a réalisé en avril 2008 une campagne publicitaire afin de sensibiliser la population à une consommation plus éco-responsable. Pour cela, le SMICTOM prône l’utilisation de produits réutilisables ou moins polluants.

La campagne se décline en sept visuels, réalisés par l’agence TOTEM, dont le slogan est « L’achat réfléchi, vous y avez un intérêt ! ». Les affiches comparent deux produits homologues en mettant en balance leurs impacts environnementaux. Chaque produit est caractérisé par trois atouts ou trois défauts selon son emplacement sur la balance.

Les thèmes abordés par la campagne publicitaire sont :

  • les rasoirs jetables et réutilisables : « Les objets jetables, c’est rasoir !» ;
  • le café en dosette et en sachet : « Non au développement jetable ! » ;
  • l’eau en bouteille et au robinet : « L’eau du robinet : chez vous 24H/24H ! » ;
  • les lingettes jetables et les éponges : « Il vaudrait mieux passer l’éponge ! » ;
  • les piles jetables et rechargeables : « En panne ? Rechargez vos accus ! » ;
  • les fruits en barquettes et en vrac : « Zéro vitamine dans les emballages ! » ;
  • les nettoyants ménagers et le vinaigre blanc : « Pour nettoyer sans salir la nature ! ».

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Ces affiches ont été placardées sur plus de 200 emplacements de tailles et de types divers (arrières de bus, panneaux d’affichage…). Cependant, la société METROBUS a refusé d’afficher 5 visuels sur les 7, suite aux réactions du BVP.

Le BVP s’en mêle

La société METROBUS, gérant l’affichage des publicités sur les bus des communes, a fait une demande de conseil au BVP concernant la campagne d’affichage « réduction des déchets ». La réponse du BVP est sans appel, 5 des 7 affiches ne peuvent être diffusées en l’état. Seuls les visuels portant sur les thèmes des piles et de l’eau ont reçu un avis positif, bien que réservé.

Les raisons développées par le BVP sont :

  • « Cette campagne paraît de nature à porter gravement préjudice à des secteurs économiques », le BVP s’inquiète de la perte des parts de marché des produits incriminés.
  • « Certains emballages, formes des produits, marques sont identifiables », ceci pouvant entraîner des poursuites judicaires de la part des sociétés concernées.
  • « Certains projets comportent des informations fausses ou trompeuses ». Le BVP reproche à la campagne publicitaire d’avancer des arguments subjectifs pouvant induire le consommateur en erreur. Par exemple, le message porté par le slogan « Zéro vitamine dans les emballages ! » vise l’empaquetage en lui-même (produit non comestible). Cependant le consommateur pourrait porter cette analyse sur le contenu (les fruits), le considérant alors sans vitamines.

La société METROBUS va plus loin en exposant que la présentation du SMICTOM relève « d’une critique de parti pris non étayé par des critères objectifs ou comparables ». Par exemple, un visuel vante l’efficacité du vinaigre blanc sans évoquer celle des produits ménagers classiques. En effet, l’agence TOTEM a décidé de mettre trois arguments sur chaque produit, les uns pour vanter les produits écologiques et les autres pour montrer l’impact des concurrents. Mais il semble que l’agence manquait parfois d’arguments convaincants à mettre en parallèle !

La campagne se répand

Les réactions des associations (UFC-Que choisir, France Nature Environnement & 60 millions de consommateurs) et du SMICTOM ne se font pas attendre suite au refus du BVP. Pour eux, le BVP agit à l’encontre des objectifs du Grenelle de l’environnement, et ce quelques jours avant de signer avec le ministère de l’écologie et du développement durable une charte d’engagement pour une publicité éco-responsable.

Le BVP est montré du doigt par son attitude équivoque vis-à-vis de l’environnement. « Si ces analyses sémantiques étaient toujours de cet acabit, on se demande s’il y aurait encore beaucoup de publicités à obtenir des avis favorables… » (Source : Pierre-Henri ALLAIN dans un communiqué de presse du 07/04/2008).

Ces réactions médiatisées dans divers communiqués de presse ont fait l’éloge et la promotion de la campagne publicitaire du SMICTOM à l’échelle nationale. Ainsi, l’avis défavorable du BVP sur certains visuels n’aura pas eu l’effet escompté : les affiches ont été déployées localement sur le terrain et la campagne a fait l’objet d’un buzz médiatique important !

L’autorégulation blâmée !

Les associations s’indignent du refus de cette campagne sous prétexte qu’elle « paraît de nature à porter gravement préjudice à des secteurs économiques ». Devons nous toujours protéger les produits polluants dans un souci de perspective économique ? L’objectif d’une campagne publicitaire n’est elle pas, dans tous les cas, de porter préjudice à la concurrence et de favoriser l’achat de certains produits ?

Face aux conclusions du BVP, association auto-disciplinaire dont certains membres sont des grands groupes comme « Carrefour Europe » ou « Vittel », les associations de défense de l’environnement doutent de l’impartialité de cet organisme ! Les lobbys économiques semblent la préoccupation première du BVP, bien avant les enjeux environnementaux. Cela est-il acceptable dans un monde où ces mêmes groupes prônent la surconsommation et où les déchets qui en résultent créent de réelles tensions environnementales et économiques ?

Lors du Grenelle de l’environnement, le système d’autorégulation à la Française de la publicité assurée par le BVP, a été remis en question. Au départ les ONG voulaient dissoudre le BVP et créer un Conseil Supérieur de la Publicité organisé en trois collèges : pouvoirs publics, professionnels et société civile. Au final le BVP a décidé de s’auto-réformer. Pour les ONG les mesures sont insuffisantes. En effet, elles ne permettent qu’un rôle consultatif des ONG qui souhaitent avoir un rôle de contrôle, d’abord sur les thèmes de l’environnement puis sur les thèmes du développement durable. Elles dénoncent l’éco-blanchiment de plus en plus important dans les publicités, c’est-à-dire l’utilisation abusive d’arguments environnementaux pour vanter un produit ou une entreprise, notamment dans les domaines de l’automobile et de l’énergie. L’environnement serait-il devenu avant tout une affaire de marketing ?


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