Solidar Suisse est habituée à lutter contre des géants

Depuis le début du mois de septembre, Solidar Suisse fait le buzz avec sa campagne « Du café équitable, Mister Clooney ! ». Nous avons souhaité en savoir plus sur la genèse de celle-ci : Alexandre Mariéthoz, responsable communication francophone de l’ONG a accepté de répondre à nos questions.

Bonjour Alexandre Mariéthoz, vous êtes le responsable communication francophone de l’ONG Solidar Suisse qui fait parler d’elle en ce moment avec sa campagne contre Nestlé-Nespresso. Avant de parler de cette action, est-ce que vous pouvez présenter votre parcours ?

Âgé de 36 ans, je suis actuellement domicilié à Lausanne. Titulaire d’un master en sciences politiques, j’ai mené plusieurs études, notamment sur l’électorat du Parti socialiste, sur la politique d’asile et sur la politique culturelle à Genève. J’ai travaillé durant six ans au sein du Parti socialiste, notamment à Genève. Dans ce cadre, j’ai coordonné une dizaine de campagnes politiques. Depuis avril 2008, je travaille pour l’antenne romande de Solidar Suisse.

Merci. Venons-en à cette campagne « Du café équitable, Mister Clooney ! ». L’année précédente, vous dénonciez le non respect des droits humains et du travail lors des Coupes du monde de football. Comment en êtes-vous venu à monter ce nouveau projet sur le café ? Cela fait-il longtemps que vous suivez les conditions de travail des cueilleurs et cueilleuses de café ?

Solidar Suisse mène plus de 50 projets dans 12 pays. Nous oeuvrons surtout, aux côtés de syndicats, pour des conditions de travail décentes. Seul un travail décent permet de sortir durablement de la pauvreté.
Au Nicaragua, nous défendons depuis longtemps les cueilleurs de café, ainsi que d’autres travailleurs agricoles. L’an dernier, nous avons conseillé plus de 15 000 personnes et sommes intervenus dans plus de 4 000 litiges juridiques, dont 95 % ont été tranchés en faveur des employé-e-s.
Avec notre campagne sur le café, nous voulions toucher un large public. Or, tout le monde boit du café. De plus, il s’agit d’un domaine où l’exploitation est très répandue. Dans ce secteur, environ 100 millions de personnes triment pour survivre.

Votre campagne comporte deux éléments complémentaires : le rapport intitulé « Halte à l’exploitation dans le commerce du café » et la vidéo parodiant la publicité Nespresso. Aviez-vous en tête ces deux éléments dès le début de la campagne ? Ou bien l’idée de la vidéo est-elle venue après ?

Nous avions l’idée de la vidéo dès le départ. Nous voulions utiliser un moyen-choc pour toucher un large public, au-delà des milieux sensibles au commerce équitable. L’opération a bien fonctionné: le 7 septembre, notre parodie de spot a été le film commercial le plus partagé du monde sur YouTube.

Concernant la vidéo, vous auriez pu réaliser un reportage sur le terrain, auprès des cueilleurs et cueilleuses de café, avec un ton dramatique. Pourtant, vous avez fait le choix de l’humour, d’une vidéo parodique ? Pourquoi ?

De nombreux reportages ont déjà été effectués. Dès lors, à quoi bon effectuer un reportage supplémentaire? L’humour, ainsi que l’utilisation d’une célébrité très connue comme George Clooney, permettent de toucher un large public. Puis de le sensibiliser progressivement à la lutte contre l’exploitation.

Avant de rendre publique votre campagne, avez-vous contacté Nespresso pour leur faire part de vos doutes concernant les conditions de travail et de rémunération des cueilleurs et cueilleuses de café ? Si oui, comment ont-ils réagi ? Si non, pourquoi pas ?

Non. Les cas d’exploitation sont connus. De plus, Nespresso et Nestlé ne nous auraient pas pris au sérieux. Pour faire bouger les choses, une forte pression populaire est nécessaire. Notre campagne a créé un électrochoc au sein de l’opinion publique.

N’aviez-vous pas une certaine appréhension à affronter un tel géant de l’agro-alimentaire ?

Avant le dernier Mondial de football en Afrique du Sud, nous avons déjà affronté la FIFA, afin d’améliorer les conditions de travail des ouvriers de la construction. Nous avons aussi initié une mobilisation syndicale internationale en vue du prochain Mondial, qui aura lieu au Brésil.
Solidar Suisse est habituée à lutter contre des géants. David contre Goliath, on connaît!

Après la diffusion de la campagne, quelle a été la réaction de Nespresso ? Vous ont-ils contacté directement ?

Nespresso nous a contactés deux jours après le lancement du spot. Trois jours plus tard, une première rencontre a eu lieu, à Berne. Elle a débouché sur un premier résultat: même si Nespresso juge son propre label satisfaisant, elle est disposée à ce qu’il fasse l’objet d’une évaluation indépendante. Nous sommes convaincus que cette étude obligera la mutinationale à opter clairement pour du café équitable. Et à se doter de critères sociaux plus stricts.

Dans leur communiqué, ils vous invitent à les « rejoindre en Colombie pour mieux appréhender sur le terrain les résultats que nous avons obtenus avec les cultivateurs de café ». Qu’allez-vous faire ?

La multinationale peut certainement nous faire visiter une plantation où tous les employés disent du bien de Nespresso. Visiter un tel programme ne servirait pas à grand-chose. Nous voulons que Nespresso commercialise uniquement du café équitable, sur la base de labels fiables et indépendants.

Au 1er octobre, vous en êtes presque à 40 000 mails envoyés à George Clooney. Êtes-vous satisfaits ? Quel était votre objectif initial ? Quelles sont les prochaines étapes de cette campagne ?

La campagne adressée à George Clooney prendra fin ces jours. Nous voulions dépasser 30 000 e-mails. Mission largement accomplie!
Avec notre campagne, nous voulons contribuer à augmenter l’offre de café équitable. L’action basée sur le spot visait les multinationales, et notamment Nestlé. Dans un second temps, notre campagne visera plus directement les consommateurs. Lors de chaque achat de café, nous avons le choix: du café équitable ou du café avec un arrière-goût d’exploitation?

À propos de George Clooney, qui est malmené dans votre publicité, comment a-t-il réagi

George Clooney n’a pas encore réagi à notre campagne. Mais Solidar Suisse veillera à ce qu’il reçoive bientôt les 40 000 e-mails et 10 000 messages personnels qui lui sont destinés.


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