Vers une communication digitale plus responsable

De nationalité mexicaine et espagnole, installée en France depuis 2012, Valeria Ramirez est d’abord journaliste, passionnée par les enjeux de société et les outils de communication numérique. Pour elle, la production de contenu est avant tout une responsabilité : il faut se poser un certain nombre de questions afin de rendre l’information non seulement intéressante mais aussi utile aux audiences et donc responsable. À terme, seules les entreprises capables de créer un contenu de qualité mettant en valeur leur savoir-faire de façon responsable et transparente vont perdurer sur la toile. D’où l’importance de prendre de la hauteur pour comprendre ce qui compte et ce qui est superficiel.

Bonjour Valeria et bienvenue sur le site Sircome. Journaliste de formation, vous avez développé votre activité en communication dans trois pays et depuis 2012 vous accompagnez les entreprises dans leurs stratégies de communication en France, particulièrement en stratégie digitale. Tout d’abord, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

J’ai débuté dans le journalisme au Mexique en 2003, au sein d’un service sans internet où mon chef de rédaction corrigeait les textes au feutre rouge, cigarette à la bouche. Ensuite, j’ai eu l’opportunité de perfectionner le métier à Madrid. J’ai rejoint le service de communication de Telefónica et découvert que l’information se produisait aussi au sein des entreprises. Chez cet annonceur, j’ai suivi les aléas de la vie en communication externe. L’activité frénétique rythmée par les bourses et la vie économique m’a paru passionnante et j’ai décidé d’en faire ma spécialité. Par la suite, j’ai rejoint une agence de communication financière et accompagné des banques et des cabinets d’affaires dans leurs relations avec la presse lorsque la crise des subprimes faisait ses plus grands dégâts.

C’était une époque difficile pour les journalistes et pour les entreprises car la crise et la transformation numérique a couté plus de 11 800 postes dans le journalisme.  J’ai eu donc une perspective privilégiée qui m’a permis d’observer cette transformation et d’accompagner les entreprises dans ces nouveaux modes de communication avec leurs publics. L’univers des réseaux sociaux s’ouvraient sous leurs yeux avec un grand potentiel d’échanges avec leurs parties prenantes mais surtout un réel besoin de transparence et de maîtrise de ces nouveaux codes de communication. Depuis 2012 j’exerce le métier en France et maintenant, en tant que responsable de Communication de Sircome et consultante, j’accompagne des entreprises et des organismes de recherche toujours avec l’approche journalistique.

Branded journalism, inbound marketing, création de contenu… les entreprises cherchent à placer leur message à travers la production de contenu. Que doit faire une entreprise afin de réussir dans cet environnement ?

En tant que journaliste, je suis une enthousiaste de l’Inbound marketing et de la création de contenu. Mais attention, l’information doit surtout être pertinente et en lien avec les objectifs. Le temps est une ressource précieuse et limitée. L’attention de notre audience ne doit être requise que s’il y a quelque chose d’important à leur transmettre. Sinon il vaut mieux se taire. C’est peut-être une idée à contrecourant lorsqu’on nous dit qu’il faut à tout prix créer un blog et produire des nouveaux articles plusieurs fois par semaine mais à terme notre audience nous en remerciera. D’autant plus que le « branding content » est au cœur de toutes les stratégies aujourd’hui. Justement, c’est pour cela qu’il faut faire attention à ce que nous produisons car la production de contenu est avant tout une responsabilité, nous devons aller vers une communication digitale responsable (et pas uniquement grâce à l’utilisation d’un hébergement écologique) ;)

J’invite mes clients, mais aussi les professionnels du marketing et de la communication à s’imprégner des principes journalistiques lors de la création de contenus. Le journalisme a trois objectifs principaux, aussi nommé triptyque du journalisme : informer, cultiver et distraire. Informer et distraire sont deux aspects pratiquement apprivoisés par la plupart des entreprises. Aujourd’hui l’objectif de « cultiver » et surtout la responsabilité qui va avec sont un peu plus brouillés.

Comment faire une communication digitale responsable ?

En école de journalisme, on consacre beaucoup de temps aux enjeux éthiques et déontologiques. On passe du temps à analyser les influences qui peuvent biaiser l’information et à chercher le Saint Graal de l’objectivité. Bien sûr, l’objectivité n’est pas atteignable, il y a toujours une dose de subjectivité liée à la nature humaine et une ligne éditoriale à suivre. Ce n’est pas possible non plus d’y arriver lorsque l’on cherche à mettre en avant un produit ou un service dans le cadre de la communication d’entreprise. Néanmoins il y a des questions qu’il faut se poser afin de rendre l’information non seulement intéressante mais aussi utile aux audiences et donc responsable.

La première chose à faire est de s’assurer de la fiabilité des sources d’information. Cela paraît être un aspect évident mais je suis souvent surprise de l’autorité que l’on accorde à des rumeurs ou à des données peu ou pas sérieuses dans les blogs ou dans les publications d’entreprise. Il faut toujours croiser nos sources et vérifier qui est derrière l’information. Cette source a-t-elle un intérêt particulier ? S’agit-il d’une source impartiale ? Sinon, quelles sont les limites que je dois prendre en compte lorsque je rédige mon article ? Et bien sûr, confirmer la véracité de l’information !

Il faut se questionner aussi sur la valeur ajoutée de l’article lors qu’il s’agit d’une information déjà traitée. L’entreprise est-elle bien placée pour en parler ? Le porte-parole apporte-t-il un regard nouveau et original par rapport à ce qui a déjà été dit ? Il ne s’agit pas de prendre la parole à chaque fois mais uniquement lorsqu’il y a quelque chose de pertinent à signaler. Pour le reste du temps, si l’entreprise veut s’afficher, il existe l’alternative de la publicité.

Et la visibilité sur les moteurs de recherche ?

En effet les critères de rédaction SEO (Search Engineering Optimisation) ont beaucoup influencé ce « manque de responsabilité ». La course pour atteindre les premières positions du moteur de recherche encourage la production de contenu par mots-clés parfois sans tenir en compte de leur qualité. Mais il ne faut pas se tromper. Nous sommes hyper saturés et hyper sollicités. A terme, seulement les entreprises capables de créer le contenu de qualité qui met en valeur leur savoir-faire de façon responsable et transparente vont perdurer sur la toile.

Le traitement de l’information doit aussi être transparent, clair et direct. Les titres faciles et viraux du type : « les 7 choses qu’il faut savoir sur… » ou « les 5 erreurs de de votre stratégie … » viennent polluer encore plus l’espace numérique sous la maxime de : plus de clics, plus de partage et plus de visibilité sur le flux de nos abonnés. Certes les plateformes comme Facebook ou Twitter ont eu leur part de responsabilité en encourageant pendant longtemps cette production de contenu, mais il convient de se rappeler qu’eux, doivent répondre à leurs investisseurs chaque trimestre en terme d’activité des utilisateurs : ce sont leurs objectifs à atteindre, mais quels sont les objectifs de notre organisation ou de notre client ?

Vous maitrisez la communication digitale, un milieu particulièrement agité dont les nouveautés arrivent tous les jours, voire plusieurs fois par jour. Comment suivre ? 

Mon parcours et ma perspective internationale ont voulu que je sois tournée vers l’univers numérique. Les besoins de communication globaux m’ont vite fait comprendre l’utilité des réseaux sociaux et m’ont poussée à me spécialiser d’avantage par rapport à d’autres collègues qui n’ont pas eu le même besoin. Ainsi quand il a fallu comprendre les enjeux du numérique et répondre à ses défis, j’étais toujours en première ligne.

La technologie et les innovations avancent à grande vitesse, certes, mais nous avons besoin de nous poser et surtout de reconnaître que nous  ne pouvons – ni ne devons – nous comparer à un ordinateur. Il s’agit d’un outil comme un autre dont l’humain doit se servir et pas l’inverse.

Le challenge c’est d’apprendre à surfer sur la vague de la transformation digitale. Chaque jour il y a des nouveautés de grande ou moindre importance. De nouveaux réseaux surgissent, d’autres évoluent et d’autres disparaissent. Bien sûr, il y a des mises à jour d’envergure qu’il ne faut pas manquer mais il y en a beaucoup qui font un effet de publicité avec des changements mineurs. De là vient l’importance de prendre de la hauteur pour comprendre ce qui compte et ce qui superficiel. Il faut monter sur la planche de la réflexion, de l’analyse, du recul et penser stratégiquement afin d’identifier les actions qui nous rapprochent de nos objectifs tout en gardant la lucidité pour envisager les tendances futures et nous préparer pour la phase d’après.

D’abord comme consultante puis comme responsable de communication, vous avez rejoint Sircome. Quels sont vos axes de travail ou types de services que vous proposez ?

Je participe à la mise en place des actions de communication et stratégie, plus du côté opérationnel.  L’approche « recherche » de l’agence répond à la perfection à ma curiosité journalistique. Par ailleurs, mon expérience professionnelle aide à construire des solutions aussi bien rigoureuses du point de vue scientifique que faisables du point de vue technique et opérationnel, principalement en ce qui concerne les besoins pratiques des entreprises. Dans le milieu universitaire, on est toujours à la recherche du savoir et c’est bien, mais c’est encore mieux si on le couple avec les solutions opérationnelles dont les entreprises ont besoin.
Par ailleurs, j’apporte notamment mon savoir-faire en stratégie de communication au sens large : aussi bien en communication interne, événementielle qu’en relations presse.

Et bien sûr en matière de communication digitale. Nous avons par exemple accompagné exemple l’Institut National de l’information Géographique et Forestière (IGN) dans la construction de leur stratégie sur les réseaux sociaux. Une belle mission car la nature de l’organisme fait qu’il est tourné vers la vente de cartes, donc une touche de social media selling. Mais c’est aussi (et surtout) un organisme de recherche qui fait de l’innovation, la précision et la fiabilité des données, le levier de son image sur les réseaux sociaux.
Depuis quelques mois, nous accompagnons l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar) dans leur stratégie de communication globale.

Les échanges avec divers services et leurs responsables afin de co-construire la stratégie  constituent toujours de très belles expériences, pour tous.

Vous êtes enseignante au M2 Communication des entreprises et médias sociaux de l’Université Paris-Est, quelles sont les compétences à transmettre aux millenials dans un environnement qu’ils maitrisent du fait qu’ils sont considérés « natifs » de ces nouvelles technologies ?

Les compétences sont : établir une stratégie, identifier les nouvelles vagues et s’adapter. Ce n’est pas très pratique de leur apprendre à utiliser les réseaux sociaux qu’ils connaissent déjà. Il faut plutôt leur apprendre à choisir les bons outils en fonction des objectifs. Quels sont les indices d’une plateforme pleine de vie ? Les signaux d’alerte à repérer ? Faut-il rester ou partir?

Par exemple, Snapchat est un service qu’ils utilisent tous les jours mais il faut comprendre qu’il s’agit d’un langage spécifique (nouveau mais pas unique) et il faut qu’ils apprennent à maitriser ce langage pour atteindre leurs objectifs de communication.

Les évolutions sont aussi à suivre de près, disons que Twitter n’est pas devenu plus ou moins intéressant, mais les comptes que nous suivons le sont. Nous pouvons donc utiliser Twitter pour renforcer le service client, pour accompagner nos campagnes publicitaires ou pour garder une relation très proche avec une communauté spécifique. Les besoins et la stratégie de l’organisation ainsi que la nature de la communauté vont décider de la nature de cette interaction. Une startup R&D ne va pas mettre en place une campagne Social Paid Media de plusieurs milliers d’euros sur Facebook. En revanche elle peut proposer des insights précieux à sa communauté qui pourra, éventuellement, devenir des clients ou des prescripteurs d’importance.

Et surtout, avec les étudiants, il y a les choses que nous apprenons ensemble, parce que la richesse de ce métier c’est qu’il évolue toujours et qu’il y a toujours des choses à découvrir !


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